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lui servira d’excuse si le Directoire juge qu’il s’est trop pressé de conclure.

Le 9 avril, il reçoit la visite de Verninac, envoyé de France à Constantinople, qui se rend à Paris et qu’il a désiré entretenir, étendant ainsi la main sur cet ambassadeur comme il l’avait fait sur Cacault à Rome, Miot à Florence, Faypoult à Gênes. Ils parlent de la paix, et tombent d’accord que la France ne peut, sans s’affaiblir et perdre son prestige, restituer le Milanais. Verninac développe de lui-même tous les argumens de Bonaparte : « Rendre le Milanais, c’est remettre sous le joug les trois Légations et Modène ; car comment pourraient-elles se conserver libres, pressées entre Naples, Rome, l’empereur, Venise, également intéressés à leur redonner le gouvernement absolu ?… C’est nous discréditer, auprès des peuples, nos véritables alliés… C’est, en s’ôtant les moyens de dominer l’Italie, se priver de très grands avantages commerciaux et politiques… » Comment concilier la gloire et l’intérêt de la République avec la paix que l’opinion réclame en France ? Les Vénitiens par leur aveuglement au moment le plus favorable nous permettront de nous accorder avec l’empereur[1]. Bonaparte laissa Verninac se flatter de lui avoir soufflé cette combinaison diplomatique. Il était sûr d’avoir en lui un avocat auprès du Directoire. Il envoie, le même jour, Junot à Venise avec une lettre pour le doge : « Croyez-vous que, dans un moment où je suis au cœur de l’Allemagne, je sois impuissant pour faire respecter le premier peuple de l’univers ?… Nous ne sommes plus au temps de Charles VIII. » Il exige le désarmement des paysans et l’évacuation de la terre ferme. Il s’adresse aux peuples de ces pays et leur promet de les affranchir. Il mande au général Kilmaine, qui était en relations constantes avec Landrieux et guettait l’occasion d’occuper les places en terre ferme, que Venise doit donner satisfaction dans les vingt-quatre heures, sinon on arrêtera tous les nobles et tous les partisans du Sénat : « Si l’affaire de Venise est bien menée, comme tout ce que vous faites, ces gaillards-là se repentiront, mais trop tard, de leur perfidie. Le gouvernement de Venise, concentré dans sa petite île, ne serait pas, comme vous pensez bien, de longue durée. » Ces instructions données, il écrit, le 9, au Directoire : « Quand vous lirez cette lettre, nous serons maîtres de toute la terre ferme, ou bien tout sera rentré dans l’ordre. »

Le 13 avril, Merveldt arrive à Léoben. La trêve était

  1. Verninac à Bonaparte, 20 avril ; il rappelle leur conversation ; au Directoire, 23 avril 1797.