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face d’un chiffre de ventes d’environ 55 millions de francs, constituent le profit de 8 millions obtenu l’an dernier, on verrait quelle somme d’efforts il représente. Ainsi une partie de cette somme provient d’intérêts pris à propos dans des forges éloignées qui ont joui depuis quelque temps d’une situation exceptionnelle mais transitoire.

Ces grandes exploitations, si solidement assises que le public se les figure volontiers garnies d’un revenu naturel à chaque automne, comme aux rosiers chaque printemps poussent des roses, ne subsistent au contraire que par l’ingéniosité constante de ceux qui les dirigent. Quelque magnifique que soit la rémunération de ceux-ci, elle n’est pas excessive. Lorsqu’ils prétendent mériter un salaire tout à fait hors de proportion avec celui de n’importe quels employés, ils ont raison : vénalement, leur prix n’est pas comparable. Les hommes qui ont été les chevilles ouvrières des principaux organismes de notre époque, n’ont jamais été payés trop cher, parce que leur capacité a été extrêmement avantageuse à leur patrie.

Les différens services d’une usine métallurgique un peu compliquée, quoiqu’ils soient dotés, de même que les comptoirs des grands magasins, d’une autonomie parfaite, qu’ils s’achètent les uns aux autres leurs matières premières et se vendent leurs matières fabriquées, — de sorte que la Forge est débitrice des Hauts Fourneaux et créancière de la Construction. — non seulement ne font pas tous fructifier également le capital qu’ils exigent, mais plusieurs ne procurent aucun revenu, et quelques ateliers se soldent en perte. Si l’on persiste à les maintenir, c’est que, pour renoncer à une fabrication, il faut être sûr qu’elle ne reprendra jamais. Le personnel exercé, l’entraînement, sont si onéreux à établir ! Impossible de s’arrêter une heure ! La transformation permanente de l’industrie du fer exige des renouvellemens complets de matériel ; il reste aujourd’hui très peu d’outillage ayant vingt ans de date. Il a été dépensé au Creusot, en améliorations, une somme égale au triple du fonds social. C’est uniquement à cette épargne que l’institution doit sa puissance, et de sa puissance seule elle tire son revenu. Si les premiers metteurs en œuvre s’étaient hâtés de jouir, il aurait fallu, pour agrandir l’affaire, augmenter le capital, et l’ensemble des souscripteurs n’aurait aujourd’hui qu’un très faible dividende.

C’est le cas de beaucoup d’établissemens, parmi les mieux administrés, auxquels les circonstances premières n’ont pas été favorables. Qui voudra parcourir les annuaires de la Chambre des agens de change de Paris et de Lyon, où sont consignés le revenu et la valeur des principaux titres métallurgiques depuis