fut banni de la ville à cause de son incrédulité), et certainement ces idées philosophiques étaient le fait d’individus isolés ou de cercles discrets. Rien n’en avait transpiré dans le milieu où grandissait Jean-Jacques. Jusqu’au jour où il sortit de Genève, personne n’avait attaqué devant lui la religion qu’il entendait prêcher du haut des chaires.
Les Confessions donnent un récit assez détaillé du séjour de quatre mois que Rousseau fit à seize ans dans l’hospice des catéchumènes de Turin, quand il eut quitté sa ville natale. Quoique Rousseau entremêle au narré des faits une apologie de sa conduite où il plaide les circonstances atténuantes ; quoiqu’on n’ait pour le contrôler que les dates d’entrée et de sortie données par le registre de l’hospice, le tableau paraît vrai et n’est point flatté. Cet épisode fâcheux de sa jeunesse avait laissé à Jean-Jacques des souvenirs profondément gravés, et rien n’est invraisemblable de ce qu’il raconte. À la suite de son escapade, il s’était mis dans le cas d’avoir à se convertir au catholicisme. On l’endoctrina. Il se plaît à parler de la belle défense qu’il lit, à dire comment il embarrassa ceux qui argumentaient contre lui. Mais le fait est que, pendant les vingt ans qui suivirent son abjuration solennelle, on ne le voit jamais jeter un regard en arrière sur l’Eglise protestante qu’il avait abandonnée. Quand il sortit de l’hospice, il avait pris son parti ; il n’avait pas gardé mémoire d’un argument non réfuté, il ne lui restait aucune arrière-pensée indocile. Tout ce qu’il y avait eu de huguenot dans son éducation, dans les idées que lui avaient laissées les conversations, les livres, les sermons de Genève, tout était effacé.
On le voit peu après faire des séjours en pays protestant : à Lausanne, il l’ail quatre lieues chaque dimanche ! pour aller entendre la messe dans l’église d’Assens ; à Neuchâtel, il écrit à Mlle de Graffenried que la religion catholique est profondément gravée dans son âme, et que rien n’est capable de l’en effacer. Il rentre en Savoie, et on le trouve toujours dans des rapports d’amitié intime et familière avec des curés ou des moines. S’il passe quelques semaines à Cluses, il a pour hôte le révérend père gardien du couvent des Cordeliers. Mme de Warens a un ami, l’abbé Léonard : Jean-Jacques le nomme son oncle, l’abbé l’appelle son neveu ; et ils correspondent sous ces noms pendant plus de quinze ans. Quand Rousseau part des Charmettes pour une promenade d’un jour, c’est après avoir entendu la messe qu’un carme est venu dire à la pointe du jour dans une chapelle attenante à la maison. S’il s’essaie à quelques expériences de chimie, l’une desquelles faillit lui coûter la vue, c’est qu’un dominicain en a fait dans ses leçons, et lui en a donné l’idée. S’il va à Montpellier, à