Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 128.djvu/473

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

contrition et de rechute, maudissant par avancé la luxure prochaine, savourant par le repentir la luxure passée, et ne trouvant de repos que dans l’impénitence finale ?

Pour trouver aujourd’hui les représentans de ce christianisme décadent dont M. Huysmans vient de donner une si fine et si pénétrante analyse, il n’y aurait qu’à passer en revue quelques-uns des littérateurs des nouveaux cénacles et non des moins distingués, à feuilleter leurs livres et à leur demander compte de leurs admirations. Respectueux du barde de Saint-Sauveur-le-Vicomte, fervens du poète des Fleurs du mal, ils ne professent pas un moindre enthousiasme pour le génie méconnu du comte Villiers de l’Isle-Adam. C’est par une cérémonie de prise de voile que débutait ce poème d’Axel qu’une piété maladroite nous a montré récemment à la scène ; et il paraît que l’auteur songeait à modifier la fin de son œuvre, par scrupule de conscience : « Il jugeait qu’au point de vue catholique son livre n’était pas suffisamment orthodoxe, et il voulait que la croix intervînt dans la scène qui dénoue le drame. » Villiers de l’Isle-Adam avait fait jadis valoir ses droits à la grande maîtrise de Malte. M. Joséphin Péladan a restitué à son profit l’ordre de la Rose-Croix. M. le comte Robert de Montesquiou agrémente de bouquets mystiques ses catalogues d’horticulture. M. Georges Rodenbach, artiste charmant et vrai poète, célèbre les béguinages et les cornettes des nonnes qui s’envolent comme des ailes de linge. M. Francis Poictevin, un illuminé très doux, de qui la candeur appelle la sympathie et l’obstination commande le respect, publie chaque année des livrets bizarres où il balbutie des choses incohérentes et obscures. Les dramatistes de l’Œuvre se sont associés afin de fonder d’un commun effort le « théâtre de l’au-delà. » J’en oublie, et je néglige volontairement ceux-là, — les plus nombreux, — pour qui le mysticisme n’est qu’une forme de l’ahurissement.

On parle couramment aujourd’hui d’un renouveau de la littérature mystique. Le naturalisme étant mort de ses excès et le positivisme ayant fait son temps, l’âme est en train de retrouver ses parchemins, le surnaturel rentre dans ses droits ; enfin le sens du mystère nous a été rendu ! Les partisans de l’idéal s’en réjouissent. Comme à l’aube du romantisme les cénacles sont catholiques. Les croyans s’applaudissent de ce retour à leurs idées et s’apprêtent à fêter le pécheur qui se convertit. Et nous aussi nous ne demanderions pas mieux que de saluer les premiers feux de cette aurore. Mais l’attachement même qu’on a pour les doctrines fait qu’on se méfie de leurs contrefaçons et qu’on éprouve le besoin de les distinguer d’avec leurs parodies. Telle est la moderne confusion du langage, que le plus souvent on ne s’entend pas, faute de savoir de quoi on parle. C’est pourquoi il pouvait y avoir intérêt à rechercher de quelle espèce est le catholicisme littéraire