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je pris le parti d’aviser de mon côté. Il m’importait que la religion du Sultan ne fût ni surprise ni égarée. Je chargeai M. Schefer de présenter, dès le lendemain, au grand-vizir, le procès-verbal de notre entretien en lui déclarant qu’il y serait fait tous les amendemens, toutes les additions que lui suggérerait sa mémoire, afin qu’il fût fidèlement conforme pour lui comme pour moi. Après en avoir pris connaissance : « Je n’ai, lui répondit-il, rien à y ajouter, rien non plus à y retrancher. » M. Schefer reproduisit textuellement, à la suite de son compte rendu, la question qu’il avait faite et la déclaration qu’il avait reçue. En regard du texte français, ainsi complété, je fis ajouter la traduction en turc et je me hâtai de faire parvenir le document au Sultan. Je rendis compte de l’incident à Paris et j’attendis.

Quelques jours après j’écrivais à M. Thouvenel : « Ne pouvant plus dissimuler ses torts, Rechid-Pacha a communiqué hier à ses principaux collègues la lettre qui a été écrite au vice-roi d’Egypte, avouant lui-même que la faute était immense et peut-être irréparable. Ceux-ci ne lui ont caché ni leur surprise, ni leurs regrets, ni leur mécontentement. La destitution de Kiamil-Pacha a été jugée indispensable et urgente. On s’estimerait heureux si je voulais m’en contenter. On m’a fait interroger ; j’ai répondu que, n’ayant pu m’abstenir de saisir de cette affaire le gouvernement de l’empereur, je devais attendre ses ordres. Rechid-Pacha est évidemment incorrigible à notre égard. Les bons procédés n’ont pas modifié ses dispositions. J’ai été, pendant un an, modéré, conciliant, plein de déférence et de longanimité ; je l’ai attendu ; il s’est livré ; nous le tenons. Si on le veut à Paris, il sera obligé de donner sa démission… » Par le courrier suivant, je mandais encore : « Savfet-Effendi, chargé par intérim du ministère des affaires étrangères, sort de chez moi. Sa visite, qui s’est prolongée pendant deux heures, m’oblige de vous écrire à la course. Il m’a été évidemment envoyé par Rechid-Pacha. Sans rien formuler, il m’a longuement entretenu du désir de tout le monde de réparer ce qu’il a appelé un malentendu, des coïncidences fâcheuses que le grand-vizir regrette, disait-il, plus que personne. Il m’a donné à entendre qu’il me serait donné toute satisfaction… J’ai répondu que je n’avais rien à demander, rien à désirer, rien à faire. Je ne retire pas un mot de ce que je vous ai écrit dans ma dernière lettre. Avec Rechid-Pacha nous aurons éternellement ici la position qu’il a contribué à nous faire. Je le répète, tous les torts sont de son côté, et toutes les marques de bienveillance ou d’intérêt que nous lui avons données n’ont eu d’autre résultat que celui de nous diminuer dans son esprit. Puisqu’il le faut, frappons ;