ce qu’il est difficile d’affirmer aujourd’hui. Mais ce qu’un observateur impartial ne saurait nier, c’est que cette complexité et cette incertitude sont des vices de forme plutôt que de fond. Les finances allemandes ont jusqu’ici été menées avec sagesse ; et les traditions de la vieille parcimonie prussienne paraissent dans une certaine mesure s’être maintenues dans l’administration nouvelle. Il est vrai que ses débuts ont été faciles. Bien que des affirmations téméraires aient été jusqu’à plaindre nos voisins d’avoir reçu nos cinq milliards, ce flot d’or, qui a pu provoquer quelques excès de spéculation, n’en a pas moins permis à l’Allemagne d’opérer sa réforme monétaire, d’amortir ses dépenses de la campagne de 1870-1871, de former un trésor de guerre et de constituer des fonds tels que celui des invalides, des fortifications, etc., qui assurent pour de longues années la dotation de certains services. Malgré cela, la dette impériale a suivi depuis quelque temps une progression qui, si elle devait se maintenir, modifierait cette appréciation favorable.
Nous n’avons pas à juger ici la politique commerciale de l’Allemagne. L’univers est emporté par un torrent de protectionnisme qui marque étrangement la fin du XIXe siècle et coïncide d’ailleurs avec un recul général des idées libérales dans le monde. Les tarifs allemands, quoique parfois moins élevés en apparence que les nôtres, sont prohibitifs pour certaines marchandises. Les droits perçus à l’importation constituent une des grosses ressources du budget : la politique douanière s’est mise ainsi d’accord avec les intérêts du fisc, qui ne lâche pas aisément des recettes une fois entrées dans son domaine. Les seuls impôts qui pourraient procurer à l’Allemagne des revenus assez considérables pour lui faire un jour réduire ses tarifs douaniers seraient ceux du tabac et de l’alcool. On a vu quelles difficultés rencontre le gouvernement chaque fois qu’il veut leur demander plus qu’il n’en retire aujourd’hui. La bière pourrait aussi donner un supplément de recettes. Mais une opposition formidable ferait sans doute, avec plus de succès encore, échec aux attaques qui viseraient la boisson populaire.
Il faut rendre aux Allemands cette justice qu’ils n’aiment pas à payer l’impôt. M. de Bismarck, dans un discours célèbre, déplorait cet entêtement de ses compatriotes et leur citait en exemple les admirables contribuables d’outre-Vosges qui ne se lassent jamais de répondre aux appels du percepteur. Nous nous passerions du compliment ; mais il faut avouer que nous le méritons. Un ministre des finances français à qui on dirait que le tabac rapporte 64 millions et l’alcool 147 millions de francs dans un pays qui compte cinquante millions de consommateurs, renverrait