qu’un tremolando vocal extraordinaire donne au sconquassò final un accent de fureur bouffonne, la tonalité mineure du premier vers suffit pour évoquer la poésie et le mystère du lointain Orient. De cet Orient, voici le Dieu vainqueur.
- Viens, ô divin Bacchus, ô jeune Thyonée,
- O Dionyse, Evan, Iacchus et Lénée ;
- Viens, tel que tu parus aux déserts de Naxos,
- Quand tu vins rassurer la fille de Minos.
- Le superbe éléphant, en proie à ta victoire,
- Avait de ses débris formé ton char d’ivoire,
- De pampres, de raisins mollement enchaîné,
- Le tigre aux larges flancs de taches sillonné,
- Et le lynx étoilé, la panthère sauvage,
- Promenaient avec toi ta cour sur ce rivage.
- L’or reluisait partout aux axes de tes chars.
- Les Ménades couraient en longs cheveux épars
- Et chantaient Evoé, Bacchus et Thyonée,
- Et Dionyse, Evan, Iacchus et Lénée,
- Et tout ce que pour toi la Grèce eut de beaux noms[1].
A la voix du musicien, plus éclatante encore que celle du poète, tel il vient le jeune dieu. En quel magnifique appareil et salué de quelles acclamations ! Oh ! l’admirable cortège sonore, où Haendel pourrait bien avoir pris l’allégresse triomphale, les somptueuses sonorités et jusqu’à l’ascension diatonique de son fameux Alléluia. Mais ce que ne pouvait dérober à Marcello le colosse anglo-saxon lui-même, c’est après tant de force tant de grâce ; après le premier chœur, le second : trois ou quatre pages en l’honneur non plus du dieu guerrier, mais du dieu rustique qui maria la vigne à l’ormeau :
- Viva dell’ olmo e della vite
- L’almo fecondo sostentator !
Il appartenait à la seule Italie de chanter ainsi l’hymen de l’arbre avec la liane sacrée, et de donner au feston de la mélodie la courbe exquise des pampres qu’on voit courir de branche en branche, dans les derniers jours de l’été, là-bas, au doux pays vénitien.
Enfin, si, comme je le souhaite, vous êtes curieux de cette œuvre jusqu’au bout, lisez le dernier chœur, durant lequel Ariane reçoit de la part de Vénus la couronne d’étoiles qui dans le ciel encore aujourd’hui porte son nom. Par la pureté de la ligne, par la simplicité des modulations, par la sobriété de l’harmonie et des ornemens, cela est antique, cela est divin. Amiel parle
- ↑ André Chénier.