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LA CANDIDATURE
DU
PRINCE LEOPOLD DE HOHENZOLLERN
AU TRONE D'ESPAGNE EN 1870

Un témoin oculaire vient de raconter jour par jour, dans un livre fort intéressant, fort curieux, l’histoire du prince Charles de Hohenzollern, aujourd’hui roi de Roumanie, depuis son arrivée à Bukarest, en 1866, jusqu’au mois de décembre 1875[1]. Il faut que ce témoin oculaire soit étroitement lié avec le roi Charles, qu’il ait des titres tout particuliers à sa confiance. Il lit dans son cœur et dans son esprit ; nous savons, par cet homme bien informé, non seulement ce que le prince a fait et dit tel jour de telle année, mais ce qu’il a senti, l’impression bonne ou mauvaise que lui fit tel événement public ou domestique, ses joies, ses chagrins, ses espérances, ses inquiétudes, ses projets et ses rêves. Le roi de Roumanie ne s’est pas contenté de lui faire des confidences, il l’a autorisé à fouiller dans ses papiers, il lui a ouvert tous ses tiroirs, tous ses cartons, lui a communiqué les lettres qu’il avait reçues et ses réponses, en l’invitant à en faire l’usage qu’il lui plairait. On ne s’explique tant de précision dans le détail qu’en supposant que le roi Charles a tenu de tout temps un journal, qu’il a permis au témoin oculaire d’en tirer copie, et comme une telle confiance a quelque chose de rare, on est tenté d’en conclure que ce témoin lui ressemble beaucoup, qu’il est un autre lui-même, qu’il a, comme lui, une belle tête de Hohenzollern, une taille moyenne, svelte et souple, la démarche vive et cadencée, beaucoup d’aisance dans les mouvemens, un nez aquilin et, sous d’épais sourcils presque joints, des yeux au regard tour à tour perçant, doux ou inquiet, que les Roumains

  1. Aus dem Leben König Karls von Rumünien, Aufzeichnungen eines Augenzeugen. 2 vol. in-8o ; Stuttgart, 1894. Verlag der Cotta’schen Buchhandlung.