véritable danger. Il le savait, et il avait eu soin de le faire savoir.
Sa position était embarrassante. La révolution de septembre avait été pour la cour des Tuileries un événement déplaisant ; elle avait vu à regret tomber la reine Isabelle, avec qui elle avait formé une liaison assez intime. Le seul prétendant que pût agréer Napoléon III était le prince Alphonse, et c’était bien le meilleur des candidats, puisque quelques années plus tard les Espagnols l’ont mis sur le trône ; mais à cette époque on n’y pouvait songer, et rien n’est plus insensé que de vouloir être sage avant tout le monde.
L’ambassadeur de France à Madrid, le baron Mercier de Lostende, n’ignorait pas toutes les intrigues qui se nouaient autour de lui ; mais il ne faisait rien pour les traverser et, conformément à ses instructions, il se remuait peu ; son gouvernement l’avait engagé à intervenir le moins possible, de peur qu’on ne l’accusât de gêner les Espagnols dans la liberté de leurs résolutions. Vers le milieu de février 1870, on écrivait de Paris au prince Charles : « Mercier ne fait pas de mystère du déplaisir que lui causent les chances toujours croissantes du prince de Hohenzollern, mais il n’ose pas les contrecarrer de front, parce que les Espagnols seraient bientôt idolâtres d’un prince étranger, s’il était combattu par la France. »
Ce qui l’aidait aussi à patienter, c’est qu’on lui avait fait dire qu’il pouvait être sans inquiétude, que la couronne fût-elle offerte au prince Léopold, il ne l’accepterait pas, qu’on avait tiré parole de la Prusse. En effet, dès le printemps de 1869, l’empereur avait enjoint à M. Benedetti de pressentir le gouvernement prussien, mais en donnant à ses représentations la forme la plus douce, en évitant avec soin qu’elles n’eussent le caractère d’une menace ou d’une provocation. M. Benedetti s’en était ouvert à M. de Thile d’abord, puis à M. de Bismarck, lequel déclara que selon toute apparence le roi ne conseillerait pas au prince d’accepter la couronne, si elle lui était offerte, et que le prince Charles-Antoine était dans les mêmes dispositions. Ce dernier avait écrit au prince de Roumanie dans les premiers jours de décembre 1868 : « La question de notre candidature n’est agitée jusqu’aujourd’hui que dans les journaux, on ne nous en a pas souillé un traître mot. Le cas advenant, je ne conseillerais jamais à ton frère d’accepter une situation douteuse, qui n’aurait que l’éclat trompeur des oripeaux. » Il ajoutait : « D’ailleurs la France ne tolérerait jamais, vu nos relations avec la Prusse, rétablissement d’un Hohenzollern de l’autre côté des Pyrénées. C’est bien assez pour exciter ses jalousies que l’un des nôtres gouverne le bas Danube. » Tous les intéressés, on le voit, étaient prévenus, avertis ; ils savaient que favoriser cette candidature, c’était risquer de mettre le feu aux poudres. Aussi étaient-ils disposés à écarter cette dangereuse affaire. Mais il y avait un homme qui, seul de son avis, la tenait pour une occasion providentielle, qu’il s’était promis de ne pas