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passé où il suffisait de quelques paroles inspirées pour amener les riches à se défaire de leurs biens ; et je doute que les meilleurs argumens de l’économie politique parviennent, désormais, à renouveler ce miracle. Les grands propriétaires siciliens garderont leurs domaines jusqu’au jour où une nécessité plus visible les contraindra à s’en dessaisir. Cette nécessité leur viendra-t-elle d’on bas ou d’en haut ? leur sera-t-elle signifiée par les paysans de Sicile ou par le gouvernement italien ? On voit, en tout cas, combien la situation est grave et pleine de danger.


Ce qui me frappe d’ailleurs, dans tous ces articles, c’est l’extrême désir qu’auraient les économistes italiens de découvrir des remèdes pratiques au mal dont souffre leur pays et l’obligation où ils sont, en fin de compte, d’avouer que leurs remèdes sont impraticables. Voici, par exemple, dans la Vita Italiana, un très remarquable article de M. G. Boccardo sur les Bases du relèvement économique de l’Italie. Ce n’est en vérité qu’un long et consciencieux exposé des causes de rabaissement économique de l’Italie ; quant aux bases de son relèvement, M. Boccardo essaie bien de nous les indiquer, mais lui-même reconnaît qu’elles deviennent de jour en jour plus difficiles à fonder.

Il y aurait, d’après lui, à essayer de quatre remèdes tous également urgens. D’abord, il faudrait en revenir à la tradition antique, et au dessein même de la nature, qui a fait de l’Italie un pays agricole et maritime. Les hommes, dans leurs aberrations, ont voulu en faire un pays industriel, et mal leur en a pris. Le total du trafic italien qui était en 1874 de 2 273 835 534 francs, est descendu en 1893 a 2 154 242 548 francs : il s’est abaissé de cent millions en vingt ans. Et c’est pour en aboutir là que l’Italie a renoncé à son ancienne production agricole !

Le second remède serait, d’après M. Boccardo, dans la réorganisation des chemins de fer italiens. Par sa conformation physique, l’Italie est un pays de transit, et ses chemins de fer sont dans un si triste état que d’année en année le transit diminue dans des proportions effrayantes : de 89 millions en 1883, il est descendu en 1893 à moins de 50.

M. Boccardo demande ensuite une réorganisation du crédit. Mais là encore il reconnaît que la situation, loin de s’améliorer, ne cesse pas de devenir plus fâcheuse. Et voici quel serait à son avis le quatrième remède : « Il faudrait enfin aviser au plus tôt à la réorganisation des finances publiques. Et tout le monde s’accorde à en chercher les bases dans la réduction des dépenses. Mais, hélas ! pour réduire les dépenses, il faudrait changer résolument l’orientation générale de notre politique, renoncer bravement à nos ambitions de puissance militaire et