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d’expansion coloniale : et ce sont choses auxquelles s’est trop associée désormais notre conception du patriotisme pour que nous puissions croire beaucoup à la possibilité d’un changement sérieux sur ce point. »


Aussi le moment n’est-il guère propice, en Italie, pour solliciter de l’État de nouvelles dépenses. C’est cependant ce que vient de faire, dans la Nuova Antologia, un jeune archéologue, M. Luciano Mariani ; et c’est ce qu’ont fait, quelques mois auparavant, les deux maîtres de l’archéologie italienne : M. Pigorini dans le Bulletin Palethnologique et le P. de Cara dans la Civiltà Cattolica. Ces messieurs demandent au gouvernement italien d’ordonner sur toute l’étendue du royaume de grandes fouilles, dans le genre de celles que Schliemann a naguère si heureusement pratiquées en Grèce. L’objet de ces fouilles serait de rechercher sur le sol italien les traces d’une civilisation primitive correspondant précisément à celle que nous ont révélée en Grèce les découvertes de Schliemann. « L’histoire des découvertes de Schliemann doit suffire, dit M. Mariani, pour convaincre ceux qui désespéreraient de trouver en Italie des traces de la civilisation mycénienne. Avant qu’un heureux coup de pioche ait restitué au monde Mycènes, Tirynthe et Troie, qui aurait pu supposer la survivance de ces vieilles cités ? Nous pouvons donc prévoir qu’en Italie aussi il suffirait de fouilles sérieusement conduites et patiemment prolongées pour mettre au jour un monde antique inconnu, et pour résoudre ainsi la grande question de l’origine de notre civilisation. »

Cette grande question passionne en effet à un haut degré tous les savans italiens, et jamais encore elle n’avait soulevé d’aussi vifs débats. Deux camps opposés luttent et se querellent à grand renfort d’argumens : le camp des traditionnalistes, qui admettent en Italie comme en Grèce l’existence d’une race et d’une civilisation primitives antérieures à l’invasion des Aryens, et celui des historiens, qui considèrent cette race et cette civilisation comme déjà de souche aryenne, et repoussent toute idée d’une invasion étrangère. Des deux archéologues italiens que j’ai nommés plus haut, l’un, M. Pigorini, appartient à ce dernier parti ; l’autre, le Père Jésuite de Cara, soutient de toutes ses forces la thèse traditionnaliste.

C’est à l’appui de cette thèse que le savant Jésuite vient de publier, dans la Civiltà Cattolica, toute une série d’articles sur les Héthéens. D’après lui, il résulte clairement de la comparaison de la tradition classique et de la tradition orientale que les mystérieux Héthéens dont parle cette dernière n’étaient autres que les Pélasges d’Hérodote et des historiens grecs. Et c’est eux encore que désigne la Bible sous le nom de Hittims, et dont elle fait les descendans de Cham. Toutes