Il arrive que les hommes et même les femmes, à partir d’un certain âge, mettent leur coquetterie à se vieillir. C’est ainsi que, selon les fâcheux qui ont la manie de tout vérifier, rien ne serait plus rare qu’un centenaire authentique, qui puisse faire valoir, pièces en mains, ses droits à ce titre. Tel se targue, devant les badauds émerveillés, d’avoir vu passer sur sa tête un siècle tout entier, qui n’est même pas nonagénaire. On a accusé l’École normale, non sans quelque malice, d’avoir joué ce jeu. Pour imiter d’autres grandes écoles qui seraient mieux fondées à se réclamer de la Convention nationale, pour avoir, nous aussi, sans plus de retard, notre commémoration solennelle, nous aurions, a-t-on dit, un peu forcé le calcul de nos années ; il nous en manquerait, en réalité, une quinzaine pour faire le compte juste ; notre montre avancerait ; c’est seulement en 1908 que nous aurions dû nous réunir pour célébrer de concert nos vingt lustres de vie et d’activité féconde. Notre Ecole, celle qui, depuis le 6 décembre 1845, s’appelle l’Ecole normale supérieure, n’aurait rien de commun, que le nom, avec les Ecoles normales qui s’ouvrirent à Paris, le 1er pluviôse de l’an III (20 janvier 1795), en exécution du décret du 9 brumaire (30 octobre 1794). L’Ecole ne daterait vraiment que de l’article 110 du décret impérial qui, le 17 mars 1808, organisait l’Université en développant les principes qu’avait posés la loi
- ↑ Cette étude forme l’introduction d’un volume qui va paraître sous ce titre : le Centenaire de l’École normale, 1793-1895 (Hachette et Cie, in-4o). Il comprend une suite d’essais où d’anciens élèves de l’École se sont appliquées à en présenter, sous ses aspects variés, l’œuvre et la vie.