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charme m’avait séduit et auxquelles j’avais déjà consacré ma vie.

C’était le parti qu’avaient pris plusieurs d’entre nous. Nous avions jugé le régime, et, sans nous mettre en frais inutiles d’indignation, nous l’acceptions pour les avantages que, malgré ses défauts, il continuait de nous assurer. C’était affaire à nous de rendre, en dépit des entraves du règlement, notre travail libre et fécond. Quant au titre d’élève de l’Ecole, nous savions qu’il n’avait pas perdu son prestige. Un moment cachée par les nuages, notre étoile ne tarderait pas à reparaître et à briller dans un ciel apaisé. Jamais, même quand, par un beau dimanche d’été, j’étais privé de sortie pour avoir trop élevé la voix dans les couloirs, je n’ai regretté sérieusement de m’être obstiné à forcer la porte de l’École.

De toutes les promotions qui furent soumises à ces contraintes, la nôtre fut la plus éprouvée. Ce fut la seule sur laquelle ce régime pesa de tout son poids, pendant trois années pleines, de 1852 à 1855, sans admettre d’autre adoucissement que celui qui, par la force des choses, résulta d’une sorte de fatigue et d’usure. Je n’étais pas arrivé en Grèce que déjà commençait la série des restaurations nécessaires. C’est qu’il fallait aviser ; le nombre des candidats qui se présentaient au concours de l’École allait décroissant d’année en année. Dès la fin de 1855, les meilleurs élèves de chaque section étaient autorisés à subir, quand finissait leur troisième année, les épreuves de l’agrégation. Reçus, ils pouvaient ou entrer dans les lycées ou être admis dans une division supérieure que l’on instituait ; là ils se prépareraient au doctorat, dans des conditions analogues à celles où sont aujourd’hui placés les jeunes gens qui jouissent de ce que l’on appelle les bourses d’étude et les bourses de voyage.

Il n’entre pas dans notre plan d’énumérer toute la suite des mesures par lesquelles l’Ecole fut assez vite ramenée à son ancien état et à sa dignité première. Timidement ébauchée par M. Fortoul lui-même, l’œuvre de réparation se poursuivit avec plus de décision sous le ministère de M. Rouland. M. Nisard avait succédé à M. Michelle, le 17 octobre 1857. Il s’était fait, en 1852, le commentateur et l’apologiste du régime qui ruinait et discréditait l’École. Éclairé par l’expérience, il employa, dès qu’il fut directeur, toutes les ressources de son vif esprit et du crédit dont il jouissait à desceller, un à un, tous les anneaux de la chaîne qui nous avait garrottés. C’est qu’il se sentait poussé par l’opinion ; une fois de plus, cette résurrection de l’École coïncidait avec le réveil de l’esprit public. Pour effacer les dernières traces de l’injure, il fallut le rapprochement qui parut devenir possible, avec la guerre