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prétendons-nous garder dans le système de cet enseignement supérieur doté de nouveaux organes, agrandi et régénéré, qui trouvera son couronnement dans la constitution des universités régionales ? C’est ce que tient à dire, après ses prédécesseurs immédiats, MM. Bersot et Fustel, celui des enfans de l’Ecole auquel est échu l’honneur inespéré d’être placé à sa tête, depuis bientôt douze ans, et de la représenter quand elle fait aujourd’hui, devant elle-même et devant le pays, son examen de conscience[1].


III

Le principe de l’Ecole, son dogme, c’est l’utilité, c’est la nécessité d’une forte culture classique, au vieux sens du mot, qui se continue assez longtemps pour que le bénéfice en demeure acquis à tous ses élèves, quelque voie qu’ils doivent suivre à partir du jour où les exigences de la carrière et les conditions mêmes du savoir moderne les auront contraints à embrasser une étude spéciale et à s’y cantonner plus ou moins étroitement. Ce principe, l’Ecole l’a, si l’on peut ainsi parler, trouvé dans son berceau ; c’est de lui qu’on s’était inspiré quand on organisa l’École de l’an III ; les mêmes auditeurs étaient appelés à suivre les leçons de La Harpe et de Volney, de Monge et de Berthollet. Dans l’École de 1810, les sections des lettres et des sciences étaient encore comme les deux branches d’un même tronc ; il y avait obligation pour tous les élèves, quelle que fût leur destination finale, de suivre, du moins en première année, certains enseignemens communs. Ce fut seulement après 1830 que les deux sections furent enfin nettement distinguées. Le règlement ne fît sans doute que reconnaître et consacrer les habitudes prises. Il y avait là excès de généralité. Depuis longtemps, bon nombre d’élèves, déjà préoccupés des examens de licence et d’agrégation qu’ils avaient à subir, ne devaient assister que de corps à des cours dont ils ne comprenaient pas bien l’intérêt et qui semblaient les détourner du but.

En revanche, pour la section des lettres, il y a tout avantage à ce que grammairiens et humanistes, historiens et philosophes ne se séparent et ne divergent que le plus tard possible. Le grammairien auquel manque le goût ne saura pas, comme professeur, l’éveiller chez les enfans dès le début des études classiques.

  1. Bersot, Études et discours (1868-1878), in-8o ; Hachette, 1879 : XIX-XX, Rapports sur l’Ecole normale. — Fustel de Coulanges, l’Ecole normale (extrait du Compte rendu de l’Académie des sciences morales et politiques, 1884).