Toute la politique, en Grèce, du moins la politique parlementaire, celle dont les péripéties occupent presque exclusivement l’attention du public, a pivoté pendant ces treize dernières années sur deux hommes en qui s’incarnaient deux partis rivaux : M. Tricoupi et M. Théodore Delyanni. Toutes les fois que je mentionnerai le second de ces deux personnages, je prendrai soin de le désigner, non pas seulement par son nom, mais aussi par son prénom, parce que j’aurai à parler tout à l’heure d’un autre M. Delyanni (Nicolas), parent du précédent, mais dont le rôle est bien différent, puisqu’il n’a jamais été môle à la politique parlementaire et aux luttes des partis. Or M. Nicolas Delyanni, à cause de sa situation neutre, en quelque sorte, est précisément l’homme auquel le roi Georges, dans la crise actuelle, a fait appel pour le charger de former un cabinet extra-parlementaire et de présider aux élections. Il ne faudrait pas confondre, avec le chef d’un des deux partis parlementaires, l’homme dont l’originalité consiste au contraire à n’être pas un homme de parti.
Donc, M. Tricoupi et M. Théodore Delyanni, à la tête de deux partis fortement organisés, se disputaient la majorité dans les Chambres et dans le pays, se combattaient, se remplaçaient périodiquement au pouvoir, comme autrefois M. Guizot et M. Thiers en France, comme plus récemment M. Gladstone et M. Disraeli en Angleterre. Ne perdez pas votre temps à chercher des divergences fondamentales entre les partis personnifiés par ces deux chefs. Vous ne les trouveriez pas ou, du moins, vous seriez surpris de leur peu d’importance.
Il n’y a pas en Grèce un parti aristocratique en face d’un parti démocratique ; il n’y a pas davantage un parti républicain en face d’un parti monarchique. Tout le monde est monarchiste et démocrate à la fois. Donc, pas de ces grandes lignes de démarcation qui, ailleurs, séparent les opinions. Entre les adversaires politiques des nuances plutôt que des divergences ; des discussions de détail plutôt que des luttes de principes. M. Tricoupi peut passer pour plus conservateur que M. Théodore Delyanni, parce qu’il a la main un peu plus rude dans l’exercice du pouvoir. M. Tricoupi a un peu plus de penchant pour les hommes d’État anglais ; M. Théodore Delyanni a un peu plus de relations avec les personnages politiques de notre pays ; mais on exagérerait si l’on disait que l’un a une politique anglaise et l’autre une politique française.
En réalité, quand on va au fond des choses, on ne voit pas