pour le moment que des causes générales qui ont influé sur les diverses puissances. M. de Brandt connaît à coup sûr l’Extrême-Orient asiatique : il s’est montré fort ému des conséquences économiques, — ce sont du moins celles dont il a le plus parlé, — que les succès du Japon et le traité qui devait en être la suite ne manqueraient pas d’avoir pour le commerce européen. Il a assisté avec un œil attentif, parfois inquiet, aux développemens prodigieux que le Japon, dans ces dernières années, a su donner à son industrie. Ses charbonnages font, dès maintenant, concurrence à ceux de l’Europe. Ses cotonnades s’apprêtent à supplanter celles de l’Angleterre. Si Formose lui appartient, il trouvera facilement le moyen d’y développer l’industrie sucrière. Les capitaux ne lui manqueront pas, et d’ailleurs l’indemnité de guerre lui. fournira ceux dont il pourrait avoir besoin au début. Le jour où, par suite d’arrangemens spéciaux qui sont peut-être compris dans les articles ignorés du traité de paix, le Japon pourra transporter le siège même de ses industries sur le continent chinois, un pas immense et décisif aura été fait dans le sens de l’éviction commerciale des puissances occidentales. Le Japon a montré, sur beaucoup de points déjà, avec quelle facilité et quelle rapidité il savait s’assimiler les procédés de l’Europe; il le montrera sur d’autres points encore, et bientôt il ne sera pas seul à le faire. Le Chinois n’est en rien inférieur au Japonais; il a seulement dormi plus longtemps. Mais il est intelligent, docile, prodigieusement sobre, laborieux et habile à tous les exercices purement mécaniques. Avec les exigences tous les jours plus grandes que montrent nos ouvriers, l’industrie européenne aura de la peine à lutter longtemps, au point de vue du bon marché, contre celle de l’Extrême-Orient. Or, le bon marché, c’est la victoire commerciale assurée presque partout, et plus particulièrement dans les milliers de marchés autour desquels se pressent, en Asie et en Afrique, des populations abondantes, pullulantes, mais pauvres et contentes de peu. M. de Brandt, qui n’est pas un rêveur, a été vivement frappé de ce péril, qui menace surtout son pays et l’Angleterre. Il est convaincu qu’aucune opposition irréductible, aucun instinct de race, ne divise les Chinois et les Japonais, et que les adversaires d’hier se réconcilieront sans peine dans une haine commune, infiniment plus forte et plus offensive que celle qui les émeut passagèrement les uns contre les autres : la haine des Occidentaux. Il annonce déjà que les victoires japonaises, qui ont éveillé à Tokio des désirs infinis, amèneront des modifications profondes dans le personnel gouvernemental. Le parti militaire et féodal arrivera demain au pouvoir, avec l’hostilité violente qu’il professe contre tous les étrangers indistinctement. Après avoir tout emprunté à l’Europe, ce parti croit le moment venu pour le Japon de proclamer son émancipation plénière, et le premier article de son programme est : L’Asie aux Asiatiques! — comme on dit de l’autre côté du Pacifique :
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