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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 129.djvu/385

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Djeddah. Il avait perdu plusieurs cholériques pendant la traversée. Le 21 mai, deux jours après son arrivée, le choléra se déclara à Suez, le capitaine et sa femme étaient parmi les malades. Les pèlerins gagnèrent Alexandrie par chemin de fer, le canal n’étant pas encore ouvert. Le choléra se montra le 2 juin. En trois mois, 60 000 personnes succombèrent en Égypte; de là l’épidémie envahit toute l’Europe, l’Asie Mineure, New-York et la Guadeloupe; elle ne s’éteignit qu’en 1874.

Il s’agit de prévenir le retour de pareilles épidémies, d’empêcher que le pèlerinage continue à être chaque année un foyer épidémique, et de protéger ainsi l’Europe. Les mesures de prophylaxie s’imposent avec une nécessité plus pressante encore, depuis que les hadjis ont recours à la navigation à vapeur. Autrefois, en effet, les pèlerins arrivaient en caravanes; ceux qui venaient de l’Inde, étaient transportés par des bâtimens à voile ; dans les deux cas, le trajet était long et la maladie avait le temps de s’éteindre.

Aujourd’hui les conditions sont bien changées, le pèlerinage est devenu plus facile, par suite plus nombreux, et surtout la très brusque rapidité du retour nous met en présence d’un péril plus menaçant.


III

Il n’y a pas, d’ailleurs, un seul détail, dans l’organisation de ces pèlerinages, qui ne présente, au point de vue hygiénique, les inconvéniens les plus manifestes. Le voyage a lieu sous un soleil brûlant; l’eau contenue dans les outres des chameaux constitue la seule boisson des pèlerins. L’eau fraîche des oasis est vendue à prix d’or par les soldats et les Arabes vagabonds qui campent à l’entour. Le simoun se fait cruellement sentir. A l’approche de la ville sainte, les pèlerins sont astreints à des pratiques qui rendent leurs fatigues plus pénibles encore. Le barbier rase leur tête, coupe leurs ongles et taille leur moustache. En même temps, ils revêtent le costume spécial du pèlerinage, qui protège assez bien le tronc et les épaules, mais qui laisse le crâne complètement à nu, toute coiffure étant défendue. A la vérité, le Coran permet bien l’usage du parasol, mais cette dispense religieuse doit être rachetée par des aumônes ou par un sacrifice supplémentaire. On ne s’étonnera pas que dans ces conditions les insolations fassent régulièrement un certain nombre de victimes, si l’on songe surtout qu’en 1893, par exemple, pendant dix jours, du 5 au 14 juin, la température s’est élevée à Djeddah jusqu’à