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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 129.djvu/386

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46 degrés, et encore à la Mecque le thermomètre marque-t-il toujours un chiffre plus élevé que sur le littoral. Pour les autres et moindres inconvéniens de la chaleur, le pèlerin doit les supporter avec résignation. C’est ainsi qu’il ne peut se gratter qu’avec la paume de la main, de peur d’écraser un insecte, un parasite, ou de déraciner un cheveu.

Les pèlerins peuvent porter un sabre au côté et un anneau au doigt. Les femmes s’enveloppent d’un grand haïk cachant même les mains et la cheville des pieds. Tous ont des sandales largement découvertes. Peut-être le Prophète, comme les anciens patriarches législateurs, avait-il, en formulant ces préceptes religieux quelque arrière-pensée d’hygiène générale. Il n’avait prévu malheureusement ni les chemins de fer ni les bateaux à vapeur. Actuellement la caravane n’est plus guère en usage que parmi les habitans de l’Arabie proprement dite ; les caravanes de Syrie et de Perse existent encore, mais leur importance a bien diminué. La caravane d’Egypte a pris, depuis 1880, la voie de mer.

Toutefois, dans ces dernières années, le trajet s’est effectué dans des conditions moins pénibles que celles décrites par Burton. Il a lieu, en deux nuits, avec des chameaux, et en une, avec des baudets. Seuls les pèlerins tout à fait pauvres vont à pied ; ceux qui louent un chameau se font transporter dans une sorte de panier double fixé au dos de l’animal ; un compagnon occupe l’autre panier. C’est le choukdouf, grande corbeille en feuille de palmier surmontée d’une toile qui garantit les voyageurs des ardeurs du soleil ou de l’humidité de la nuit. Les chameaux, placés les uns à la suite des autres, sont liés entre eux par une longue corde. Il n’est pas rare de voir des caravanes de mille chameaux réunis ensemble. Les conducteurs marchent le long du convoi avec les soldats de l’escorte. Malheur à qui reste en arrière ; il devient la victime des nomades.

Nous ne sommes pas fixés sur le nombre total des pèlerins qui prennent part aux cérémonies et qui paraît avoir pu varier depuis 100 000 jusqu’à 300 000. Le grand-chérif, qui perçoit un impôt sur chaque pèlerin, peut seul déterminer ces chiffres, au moins approximativement. À la Mecque, les pèlerins séjournent un temps variable, suivant leur piété, leurs moyens ou leurs affaires. Certains y passent des mois, arrivés avant le Ramadan (carême des musulmans), ou même une ou plusieurs années. Le plus grand nombre ne viennent que plus tard, pour les fêtes du pèlerinage proprement dit, qui durent douze jours, les douze premiers jours du mois de dhoul-hidji (le mois du pèlerinage).

La vue de la grande mosquée flanquée de ses minarets est