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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 129.djvu/387

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saluée par les cris liturgiques : Labbaïka, Allahomma, labbaïka[1]. Cette mosquée a la forme d’un vaste parallélogramme mesurant environ 180 mètres sur 130. On y pénètre par 19 portes percées sans ordre ni symétrie, dépourvues de vantaux et de toute fermeture. La porte du Salut (Bab-el-Salam), par laquelle le pèlerin doit faire sa première entrée dans le temple, a l’aspect grandiose des plus belles portes du Caire. Après avoir traversé une colonnade, le croyant voit tout à coup devant lui, au milieu d’un imposant espace, la Kaaba, le nombril du monde, la maison de Dieu! On dirait un immense catafalque recouvert de son drap mortuaire, dont la masse noire fait un contraste violent avec la blancheur éblouissante des autres constructions qui resplendissent aux rayons du soleil tropical. Plusieurs pavillons de formes différentes, rangés autour du sanctuaire, font encore ressortir sa majesté. Tout autour de la mosquée règne une colonnade de trois ou quatre rangs de colonnes supportant des arceaux en ogive et surmontés d’une multitude de petites coupoles d’une blancheur éclatante. Au-dessus de la colonnade s’élèvent encore sept minarets ronds ou quadrangulaires peints de couleurs variées; sept chaussées pavées de marbre convergent de la colonnade vers une aire ovale en granit poli, au centre de laquelle s’élève la Kaaba. Le pèlerinage ayant pour principal but la visite de la Kaaba ou Beit-Allah (la maison de Dieu), le premier soin du pèlerin est de se diriger vers elle immédiatement; de se prosterner près de la Pierre Noire, Hadjar-el-Essoued, enchâssée dans un cercle d’argent à l’un des angles du temple.

La tradition raconte à ce sujet qu’Abraham ayant voulu construire un temple au Seigneur sur l’emplacement où il avait jadis abandonné Agar et Ismaël à leur sort, l’ange Gabriel lui apporta cette pierre, tombée du ciel, et depuis le déluge cachée, près de la Mecque, dans la montagne d’Aboukibaïs. C’est un morceau de basalte volcanique, ou peut-être un aérolithe, qui mesure environ 20 centimètres de diamètre. Les pèlerins se jettent sur cette pierre qu’ils couvrent de baisers ; mais en mémoire d’Agar, de qui descend la famille arabe, elle est surtout l’objet particulier de la dévotion des femmes infécondes.

La maison de Dieu est entièrement recouverte d’une immense enveloppe en soie noire, épaisse de 4 à 5 millimètres, et qu’on nomme la kessoua (vêtement, tapis). La portion de ce voile qui recouvre la porte est brodée en argent ; une large bande scintillante, soutachée d’or et d’argent, et où sont inscrits des versets

  1. Nous sommes prêts à te servir, ô Dieu, nous sommes prêts.