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reprendre la température ambiante, la pression extérieure faisait monter le liquide dans le tube ; le liquide montait d’autant moins haut que l’air contenu dans l’ampoule de verre, plus échauffé, avait acquis une plus forte tension ; les variations de la tension d’une masse d’air dont le volume change peu étaient ainsi mises à profit pour marquer les « augmentations du chaud et du froid. »

Cet appareil peu pratique était cependant usité en Allemagne vers l’an 1621. Les membres de l’Académie del Cimento, si curieux de tous les progrès de la physique, ne tardèrent pas à lui substituer un instrument plus commode, celui dont nous nous servons encore. Enfermé dans une ampoule transparente que prolonge un tube fin, un liquide plus dilatable que l’ampoule monte dans le tube lorsqu’on l’échauffe, descend lorsqu’on le refroidit. L’Académie florentine, d’ailleurs, ne laissait passer aucune découverte de physique qu’elle n’en cherchât aussitôt l’application à l’art de guérir ; à peine Galilée avait-il reconnu la constante durée des oscillations d’un pendule, que le pendule servait à déterminer la fréquence ou la lenteur du pouls des malades ; le thermomètre, rendu maniable et portatif, devint incontinent, entre les mains du physiologiste vénitien Santorio Santori, un indicateur sensible et précis des progrès de la fièvre. Les écrits de Santorio rendirent populaire ce précieux instrument et, bientôt, on le trouva communément, dans les boutiques des émailleurs, sous le nom de thermomètre de Florence ou de Sanctorius.

On imagine difficilement l’intérêt qu’excitaient les indications de cet appareil « digne d’Archimède ». Tout le monde notait avec curiosité l’ascension ou la descente de l’esprit-de-vin coloré dans le tube de verre, car, écrivait Nollet, « le physicien, guidé par le thermomètre, travaille avec plus de certitude et de succès ; le bon citoyen est mieux éclairé sur les variations qui intéressent la santé des hommes et les productions de la terre, et le particulier qui cherche à se procurer les commodités de la vie, est averti de ce qu’il doit faire pour habiter pendant toute l’année dans une température à peu près égale. » Au dire d’Amontons, Colbert projeta de faire construire une grande quantité de thermomètres et de les envoyer dans différentes parties de la terre pour faire des observations sur les saisons et les climats ; il dut renoncer à son projet à cause des imperfections que présentaient, à cette époque, les thermomètres à esprit-de-vin : des thermomètres différens donnaient des indications qui n’étaient pas comparables entre elles.

Aucune règle fixe ne présidait au tracé des degrés sur la tige des thermomètres ; aussi ces divers instrumens n’exprimaient-ils pas le même chaud ni le même froid par un même nombre de