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degrés ; lorsqu’on les plaçait en un même lieu, l’un se fixait plus haut et l’autre plus bas ; l’un marquait 30° et l’autre seulement 20°. Certains physiciens avaient bien imaginé de choisir une année où l’hiver fût très froid et l’été très chaud, de marquer le point le plus bas et le point le plus haut atteints par l’esprit-de-vin dans ses excursions et de diviser en cent parties égales l’intervalle compris entre ces deux points ; un tel thermomètre permettait, il est vrai, à celui qui en était possesseur, de comparer, d’une année à l’autre, l’ardeur de l’été ou la rigueur de l’hiver ; mais, en communiquant ses observations à un autre physicien, il ne lui donnait que des renseignemens dénués de sens s’il ne lui envoyait, avec les observations, l’instrument qui avait servi à les faire, ou, du moins, un instrument gradué en même temps, au même lieu.

Un astronome auquel on demande la longueur du pendule qui bat la seconde serait mal venu à répondre que ce pendule a même longueur que son bâton, tout en cachant ce bâton ; ce qu’on attend de lui, c’est le nombre de pieds, de pouces, de lignes qui mesure la longueur demandée ; c’est un renseignement permettant à celui qui l’interroge de construire un pendule battant la seconde. Imaginer de même, pour la construction des thermomètres, une règle qui permette d’obtenir, n’importe où et n’importe quand, des instrumens comparables, des instrumens marquant assurément par un même nombre la même intensité de chaleur, tel est le problème qui sollicita les efforts des physiciens à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle.

Le problème fut résolu pour la première fois en 1702 par Amontons. Abandonnée et reprise tour à tour, la méthode proposée par Amontons est devenue aujourd’hui, après bien des vicissitudes, la méthode normale à laquelle se subordonnent toutes les autres, la méthode qui détermine la température absolue.

Deux observations, toutes deux de première importance, servent de fondement à la méthode d’Amontons.

Dans deux ampoules de verre, prenons deux masses d’air ; chacune de ces masses est séparée de l’air extérieur par un tube recourbé, plein de mercure, formant manomètre ; supposons qu’à une même température l’une des deux masses supporte la pression d’une atmosphère et l’autre la pression de deux atmosphères ; chauffons également ces deux masses d’air, tout en versant, dans les deux manomètres, assez de mercure pour maintenir invariable le volume occupé par chacune d’elles ; tandis que la pression supportée par la première masse croîtra d’une certaine quantité, la pression supportée par la seconde masse croîtra d’une quantité double ; la seconde pression demeurera toujours double