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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 130.djvu/107

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ses yeux gonflés, rougis, brûlés par les larmes ; le sourire doux et déchirant de Christine ; la grosse tête de l’enfant maladif, toujours penchée sur une poitrine qui n’avait que le souffle ; le masque cadavérique de la pauvre idiote gourmande… Et les yeux las de sa mère demandaient : « Pour qui m’abandonnes-tu ? »


IV

C’était l’après-midi. George explorait le sentier tortueux qui, par une succession de montées et de descentes, conduisait vers la Pointe du Vaste, au bord de la mer. Il regardait devant lui et autour de lui avec une curiosité toujours en éveil, presque avec un effort d’attention, comme s’il eût voulu surprendre quelque obscure pensée traduite par ces simples apparences, ou se rendre maître de quelque insaisissable secret.

Dans un pli de la colline qui longeait la mer, l’eau d’un ruisseau, dérivée par une sorte de petit aqueduc fait de troncs creux et soutenu par des arbres morts, traversait le vallon de l’une à l’autre rive. Il y avait aussi des rigoles amenées dans des tuiles concaves au terrain fertile où prospéraient les cultures ; et, par-ci par-là, sur les rigoles miroitantes et murmurantes, de belles fleurs violettes s’inclinaient avec une grâce légère. Toutes ces humbles choses paraissaient avoir une vie profonde.

Et le surplus de l’eau courait et dévalait sur la pente vers la plage sablonneuse, en passant sous un petit pont. À l’ombre de l’arche, quelques femmes lavaient du linge, et leurs gestes se voyaient reflétés dans l’eau comme dans un miroir mobile. Sur la grève, le linge étendu au soleil éblouissait de blancheur. Un homme marchait le long de la voie ferrée, pieds nus, portant à la main ses souliers pendans. Une femme sortait de la maison du garde-barrière, et, d’un geste rapide, jetait quelques débris contenus dans un panier. Deux fillettes, chargées de linge, couraient à qui mieux mieux, avec des rires. Une vieille femme suspendait à une perche des écheveaux teints en bleu.

Au delà, sur le talus de terre qui bordait le sentier, de petits coquillages faisaient des taches blanches, de frêles racines palpitaient au vent. On distinguait encore les traces de la pioche qui avait entamé le sol fauve. Du haut d’un éboulis pendait une touffe de racines mortes, aussi légères que des dépouilles de serpent.

Plus loin se dressait une grande ferme, avec une fleur d’argile au sommet de sa toiture. Un escalier extérieur montait à une galerie couverte. En haut de cet escalier, deux femmes filaient, et, sous le soleil, leurs quenouilles avaient des resplendissemens