l’éveiller ; il lui avait arrangé des roses dans les cheveux. Mais, ainsi fleurie et enguirlandée, elle lui avait paru être un corps sans âme, un cadavre. Cette apparence l’avait rempli d’effroi ; il l’avait secouée pour la réveiller ; mais elle était restée inerte, paralysée par une de ces syncopes auxquelles elle était sujette, en ce temps-là. Oh ! quelle terreur, quelle angoisse, jusqu’à ce qu’elle eût recouvré ses sens ! et aussi quel enthousiasme pour la beauté souveraine de ce visage qu’ennoblissait extraordinairement ce reflet de mort ! — Cet épisode lui revint à la mémoire ; mais, tandis qu’il s’attardait à d’étranges pensées, il fut pris d’un mouvement subit de remords et de pitié. Il se pencha pour baiser le front de la dormeuse, qui ne s’aperçut point de ce baiser. Alors il eut grand’peine à se retenir de l’embrasser plus fort, pour qu’elle perçût la caresse et y répondît. Et alors il sentit toute la vanité d’une caresse qui ne serait point pour l’objet aimé une rapide communication de joie ; il sentit toute la vanité d’un amour qui ne serait point une correspondance continuelle et immédiate de sensations aiguës. Alors il comprit l’impossibilité de s’enivrer sans qu’une ivresse également intense répondit à son ivresse.
Sa pensée tortueuse le ramena à la contemplation tranquille de la beauté et de la possession, puis à l’examen de son état nouveau. — À partir de ce jour de mai, une vie nouvelle commentait donc pour lui.
Pendant une minute, il tendit l’oreille et l’esprit, pour ne rien perdre de la grande paix d’alentour. On n’entendait que la lente monotonie de la mer calme dans un silence propice. Aux vitres de la fenêtre, les branches d’olivier ondulaient imperceptiblement argentées par le soleil, balançant des ombres légères sur la blancheur des rideaux. Par intervalles arrivaient quelques voix humaines, rares et inintelligibles.
Après cette perception de la paix environnante, il se remit à contempler l’adorée. Une harmonie manifeste existait entre la respiration de la femme et la respiration de la mer ; et la concordance des deux rythmes donnait un charme de plus à la dormeuse.
Elle reposait sur le flanc droit, dans une gracieuse attitude. Ses formes étaient souples et longues, un peu trop longues peut-être, mais d’une serpentine élégance.
Mais la singularité la plus précieuse de ce corps, était, aux yeux de George, le coloris. La peau avait un coloris indescriptible, très rare, très différent du coloris ordinaire des femmes brunes. La comparaison d’un albâtre que dorerait une flamme