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pourra les arracher à la vie végétative qui leur est devenue nécessaire. Pour ces raisons, le séjour à la campagne, dans l’intérieur des terres, est le seul qui convienne dans l’insomnie rebelle ainsi que dans certaines formes de l’hystérie.

Ajoutons comme indications que toutes les résidences champêtres ne conviennent pas à ces natures de sensitive, arrivées à la limite qui sépare le malaise habituel de la maladie déclarée. Les départemens du Midi sont trop chauds, ceux de l’Est trop secs, ceux du Centre trop orageux. La Normandie et la Bretagne, le Finistère et le Morbihan surtout, sont préférables pour ces organisations maladives, à la condition d’éviter le bord de la mer. Dans ces départemens, la température n’est jamais élevée ; les orages sont rares ; l’atmosphère est tiède et humide ; le ciel habituellement couvert n’a pas l’éclat de celui du Midi ; il y pleut souvent et les nuits sont fraîches ; mais c’est le climat sédatif par excellence, celui qui endort le mieux la douleur. Il suffit pour le constater de traverser, en chemin de fer, ces petits vallons verdoyans qu’estompe une brume légère. Tout semble y sommeiller, les animaux comme les hommes.

Le séjour des montagnes répond à d’autres indications. Le climat des altitudes est caractérisé par l’extrême pureté de l’air et par son peu de densité. Les poussières qui souillent l’atmosphère et sont une des principales causes de l’insalubrité des villes diminuent de quantité à mesure qu’on s’élève. Il en est de même des organismes qu’elles renferment. Ainsi, tandis qu’on trouve 55 000 microbes dans un mètre cube d’air pris rue de Rivoli, qu’on en compte encore 7 600 dans la même quantité d’air au parc de Montsouris, il n’y en a plus que 600 dans les maisons qui bordent le lac de Thoune, que 25 à la surface de ses eaux, que 8 à 200 mètres au-dessus ; enfin on n’en trouve plus du tout entre 2 000 et 4 000 mètres. L’air pris au sommet du Mont-Blanc en est absolument privé. Il est inutile de rappeler que ces microbes sont les germes de toutes les maladies infectieuses et qu’ils sont particulièrement redoutables pour les jeunes sujets.

La faible densité de l’air est une condition de même importance. Chacun sait qu’au bord de la mer le poids de l’atmosphère fait équilibre à une colonne de mercure de 760 millimètres de hauteur. Cette pression diminue environ d’un centimètre par 105 mètres d’élévation ; elle n’est donc plus que de 712 environ à 500 mètres, de 665 à 1 000 mètres, de 570 à 2000. Une dépression aussi considérable ne peut pas être indifférente à la santé. La diminution de pression atmosphérique a pour effet d’activer la circulation de la peau au détriment de la tension pulmonaire. C’est un fait qui a été signalé par Poiseuille, par Volkmann