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Les vieillards d’une bonne constitution peuvent se baigner à la mer comme les autres, quand ils en ont conservé l’habitude : toutefois, à partir de soixante-dix ans, j’estime qu’ils font bien de s’en abstenir dans la crainte des congestions. Il ne faut donner des bains de mer aux jeunes enfans qu’avec une grande prudence ; on doit les retirer de l’eau au bout de quelques minutes, les habiller rapidement et les faire courir sur la plage pour favoriser la réaction. Il est bon d’attendre qu’ils aient trois ou quatre ans pour commencer, et même de différer plus longtemps encore, lorsqu’ils sont très nerveux ou trop faibles pour réagir et surtout lorsque la mer leur inspire une terreur invincible. Le docteur Jules Simon, qui fait autorité pour tout ce qui touche à l’hygiène infantile, interdit les bains de mer aux enfans nés de parens épileptiques ou de mères hystériques, ainsi qu’à ceux qui sont sujets aux maux de tête et disposés à la méningite.

Tout cela revient à dire que les bains de mer ne conviennent pas aux malades ni à ceux qui sont en passe de le devenir ; mais, en dehors de cette classe de valétudinaires, l’hydrothérapie marine est le plus admirable moyen d’entretenir les constitutions vigoureuses et de fortifier celles qui ne le sont pas. Elle habitue au froid, aux vicissitudes atmosphériques ; elle combat la facilité à s’enrhumer que détermine l’excès des précautions. Elle est héroïque chez les enfans élevés en serre chaude, par des mères trop craintives, qui les couvrent à l’excès, les entretiennent dans un état de moiteur permanente, et les exposent aux refroidisse-mens lorsqu’ils se reposent ou qu’ils traversent un courant d’air.

L’endurcissement bien compris est le pivot de l’éducation physique des jeunes gens, et les bains de mer sont un des meilleurs moyens d’y arriver. Ils ont pour eux un autre avantage qu’il n’est pas possible de passer sous silence : c’est qu’ils leur donnent le moyen d’apprendre à nager. La natation est tout à la fois le plus hygiénique et le plus utile des exercices. C’est le plus hygiénique, parce qu’il met en jeu des muscles qui d’ordinaire ne fonctionnent pas, et qu’il développe la poitrine par les larges inspirations qu’il exige ; c’est le plus propre à fortifier l’organisme, parce que les efforts qu’il entraîne, se produisant dans l’eau froide, ne causent aucune déperdition de forces. Enfin c’est le plus utile, parce qu’il permet de sauver sa vie et celle des autres. Dans un pays dont trois mers baignent l’immense littoral et que sillonnent de grands fleuves, la natation devrait être le premier des sports, et c’est chez nous le moins répandu. On est surpris du petit nombre d’hommes sachant nager qu’on rencontre, même dans la marine. On dit, il est vrai, que dans les naufrages ce sont