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d’une encyclopédie thibétaine, de livres magiques de source occidentale, sont déjà un fort étrange fatras ; mais si vous saviez ce que les Américains, et même certains Anglais en ont tiré ! L’évolution étant de nos jours un dogme, la théosophie s’est crue obligée de nous fournir sur celle-ci des aperçus nouveaux que Darwin ne soupçonna jamais. Le pauvre grand homme n’avait pu résoudre convenablement le problème du passage d’espèce à espèce et de genre à genre. Ce fameux animal qui doit servir de transition du singe à l’homme n’a pas encore été découvert. Les théosophes ne sont pas embarrassés pour si peu : par un raisonnement très ingénieux, et qu’il serait un peu long d’expliquer, ils vous démontrent que chaque espèce prend un certain développement sur une planète, et que de là les monades qui constituent chaque individu d’une espèce passent sur une planète voisine et y prennent un nouveau développement. Après quoi, elles passent sur une troisième pour s’y développer encore, et ainsi font le tour de sept globes avant de revenir à leur point de départ. Et voilà pourquoi votre fille est muette, pourquoi les infortunés darwinistes n’ont pas trouvé leur homme-singe ! Qu’ils ne le cherchent pas sur la terre, il est dans la planète à côté ; de là, il est allé sur une autre ; et enfin, ayant fini sa ronde, il est revenu ici-bas, où il est apparu comme un miracle, étonnant par sa présence les orangs-outangs les plus distingués. Mme  Besant passe le plus légèrement possible sur ces hypothèses épineuses, mais il faut lire ses confrères de la Société théosophique de New-York, MM. Sinnet et Judge ! Ils ne se contenteront pas de vous indiquer, à quelques centaines d’années près, le temps qui s’écoulera entre chacune de vos incarnations, la date où la noble sous-race américaine remplacera la vieille sous-race européenne honteusement usée, il vous apprendront ce que c’est que les « coquilles », des êtres bien pernicieux ! Ce sont des formes invisibles, mais matérielles, provenant des personnes mortes de mort violente, les suicidés, les condamnés à mort. Elles ne meurent vraiment qu’après avoir terminé sur la terre le laps d’existence auquel elles avaient droit, et gardent généralement une attitude très rancunière, à cause de leurs malheurs. Elles rôdent sur la terre en se livrant à une foule de méfaits sournois, et se font incubes ou succubes, suivant leur sexe et le dévergondage de leurs caprices. En somme ces condamnés à mort mènent une vie de bâton de chaise. Ils hantent aussi les séances de spirites ; ce sont eux qui, sous le nom de Victor Hugo, Platon, et Marie Alacoque, y profèrent tant de choses imbéciles. Il leur arrive même parfois, la séance terminée, de s’offrir le plaisir d’étrangler le médium. Les réincarnations s’opèrent aussi d’une façon bien bizarre. Charlemagne transmigra dans