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Napoléon Ier, et Clovis dans l’empereur Frédéric d’Allemagne, qui mourut d’un mal de gorge. Je vais vous dire une chose encore plus extraordinaire : sur les planètes où ils habitaient avant de passer sur la terre, les hommes étaient gigantesques, mais gazeux, flottans, et dépourvus d’âme. A une époque plus ancienne, ils n’avaient pas de sexe, et affectaient la forme d’une boule. Dans cet état, ils se roulaient au hasard sur un globe mal consistant. C’est une conception gaie. Pourtant, à la place de Mme Besant, je trouverais que c’est encore un peu plus difficile à croire que les mystères du christianisme.

La partie sérieuse de la théosophie venait de vingt sources diverses ; celle qui ne l’est point, semble bien à lui : on avouera qu’elle n’est pas pour inspirer une confiance illimitée dans cette nouvelle religion. On peut du reste considérer le tout comme une tentative de vulgarisation d’une métaphysique qu’il n’était pas besoin d’aller chercher aux Grandes Indes. Pour la rendre moins rébarbative, on y a joint des explications sur l’origine et la fin des mondes dont une bonne part procure une douce gaieté, puis on nous a affirmé qu’il existait une science expérimentale de la métaphysique comme il existe une science expérimentale de la physique, et qu’en exerçant son âme par des procédés spéciaux, on arrivait à la saisir, de même qu’en exerçant ses sens à l’aide de la raison, et en les prolongeant par des instrumens, on arrive à saisir les causes des phénomènes. Tout cela n’était pas neuf, et n’avait encore ému violemment personne. Alors, pour nous ôter certaines méfiances, on nous a dit le plus grand mal des médiums, spirites, et autres nécromans, et quand on nous a crus rassurés, on nous a présenté, pour nous prouver l’existence de l’âme, de la volonté spirituelle, et de la substance, exactement les mêmes phénomènes que produisent les médiums, spirites et autres nécromans, mais émanant de personnes dont la moralité surhumaine est garantie par la hauteur de l’Himalaya, l’élévation de leur but, et leurs incarnations successives dans des individualités de plus en plus pures. On prend bien soin de nous dire que nous arriverons aussi à cet état de sainteté et de clairvoyance, mais non pas probablement dans cette vie, à moins de dons spéciaux. En attendant, que sera pour nous la théosophie ? Exactement une vérité « révélée » comme les vérités révélées de la Bible, de l’Evangile ou du Coran. Toute la différence est que le révélateur, au lieu d’être mort et de s’appeler Moïse, Jésus ou Mahomet, répondra tout vif au nom de Rathapâla, yoghi, arhât, mahatma, etc., — traduisez adepte de la Grande Loge, et thaumaturge distingué ; — et une de nos grandes raisons pour le croire sera qu’il a renoncé, paraît-il, à son Nirvana pour le bénéfice de l’humanité, et qu’il fait des miracles.