Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 130.djvu/196

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le Tireur de sable de M. Clausade est moins délicat et exige moins d’intelligence ; mais il y faut un effort musculaire, pénible et soutenu, que l’artiste a fort bien rendu, ce qui suffit à faire de cette étude, malgré le peu d’intérêt de l’action, un morceau de sculpture remarquable. Ces deux figures du Potier et du Tireur de sable n’eussent point perdu à réduire leurs dimensions ; on en fera certainement des réductions intéressantes. Une autre figure, très vive et très serrée, dans le même genre, est le Boxeur de M. Ciffariello, le meilleur morceau italien du Salon. On ne trouve pas la même sûreté d’exécution dans quelques autres ouvrages estimables dont les sujets sont aussi empruntés à la vie laborieuse et populaire, la Maternité par M. Lafont, la Laveuse par M. Choppin, les Vieux Amis de M. Froment-Meurice, l’Abandonnée du M. Boverie. L’un des plus remarqués, le Déclin, un vieux ménage de paysans assis sur un banc, se serrant l’un contre l’autre, dans une attitude qui rappelle, en style réaliste, la composition d’Œdipe et Antigone, par M. Hugues, dans le jardin du Luxembourg, n’est point, ce nous semble, modelé avec une suffisante vigueur demain ni une suffisante force d’expression pour justifier de si grandes dimensions.

À côté de ces ouvrages qui nous paraissent le mieux caractériser les différentes tendances de l’école, il faudrait encore, pour donner une idée approximative de cette activité sculpturale, trop souvent mal dirigée, signaler aux Champs-Elysées seulement, une cinquantaine d’œuvres intéressantes, soit pour leurs qualités, plastiques, soit pour leurs recherches expressives. Nous devons nous borner à rappeler, parmi les premières, le groupe en marbre de M. Gauquié, Bacchante et Satyre, dont le modèle, en 1890, nous avait déjà semblé de la sculpture « forte et joyeuse, bien équilibrée et bien rythmée, vivante et décorative, dans le goût du XVIIe siècle », et qui, dans l’exécution, a même pris plus de style et de fermeté ; celui de M. Thabard, le Poète et la Muse, d’un style discret et ressenti, qui a gagné aussi en se transformant ; la Phébé, potelée et vive, de M. Ferrary, assise sur ses nuages d’étain ; l’élégante, fine, un peu grêle peut-être, Diane, de M. Lombard ; le Narcisse couché de M. Melin, l’adolescent symbolisant le Lierre par M. Moncel ; le Réveil de Flore par M. Chevré ; la Vamireh en chasse de M. Bouval : l’Irène de M. Tonetti ; Une Femme de M. Vital-Cornu ; l’Esclave de M. Aizelin, etc. De toutes les nudités, la plus hardiment réaliste est celle de M. Barrau, une Suzanne en marbre coloré, ou, pour mieux dire, une simple baigneuse, debout, en train de s’essuyer, qui ne rappelle, à coup sûr, la jeune et chaste héroïne de la Bible, ni par l’ampleur