Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 130.djvu/420

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

suffise pour renverser le sens du changement d’état qui se produit ; il suffit, pour cela, que les corps qui environnent le système diffèrent infiniment peu de ceux qui le maintiendraient exactement en équilibre.

Cela posé, que veulent dire ces mots : telle proposition n’est vraie que pour un changement réversible ? Leur sens est celui-ci : à proprement parler la proposition dont il s’agit n’est jamais vraie ; il n’existe aucune modification à laquelle on puisse l’appliquer en toute rigueur ; mais l’erreur commise en appliquant cette proposition à un certain changement d’état peut être plus ou moins grande ; elle est d’autant plus petite que, pour renverser le sens de ce changement d’état, il faut apporter une moindre variation aux conditions extérieures dans lesquelles est placé le système qui éprouve ce changement ; la proposition en question est d’autant moins éloignée de la vérité que les forces auxquelles le système est soumis sont, à chaque instant, plus voisines de celles qui le maintiendraient en équilibre.

Nous avons dit que, lorsqu’un système parcourait un cycle, les transformations négatives qu’il subissait compensaient exactement les transformations positives ; nous avons ajouté que l’exactitude de ce théorème supposait la réversibilité du cycle parcouru par le système. Qu’est-ce à dire ? Le théorème en question n’est applicable à aucun cycle réellement décrit, car aucun cycle réellement parcouru n’est réversible ; pour aucun cycle réel, il ne nous est permis d’affirmer l’égalité rigoureuse entre la somme des transformations positives et la somme des transformations négatives ; mais, nous pouvons l’énoncer avec sécurité, plus les forces sous l’action desquelles se modifie le système étudié seront, à chaque instant, voisines de celles qui arrêteraient toute modification du système et le maintiendraient en équilibre, moins les deux sommes de transformations différeront l’une de l’autre. Les conséquences que nous déduirons du théorème de Clausius, les propriétés du système que ce théorème nous fera découvrir, ne seront jamais rigoureusement exactes tant que le système sera en voie de modification ; mais plus les causes qui déterminent cette modification tendront à disparaître, plus ces conséquences seront voisines de la vérité, plus ces propriétés se rapprocheront de celles que révèle l’expérience ; au système en équilibre, ces conséquences s’appliqueront exactement, ces propriétés appartiendront pleinement.

Ainsi, en introduisant dans ses raisonnemens cette notion de réversibilité, dont le caractère étrange et paradoxal n’avait pas attiré l’attention de Carnot et n’a été clairement aperçu que par