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Ils se dirent qu’ils trouveraient bien moyen de lui échapper et ils violèrent les sanctuaires de la mort, s’y gorgèrent de richesses, et finirent par être pris. On les jugea : nous avons encore les pièces du procès. Pour quelques-uns qui furent capturés, combien échappèrent à la justice pharaonique ! Le pillage des tombes princières, — car les profanateurs s’attaquaient surtout aux tombes royales qu’ils savaient devoir leur offrir un butin plus rémunérateur, — le pillage alla si loin que les Pharaons de la XXIIe dynastie firent construire pour s’en défendre, les fameuses cachettes de Deir el Bahary qui n’ont été découvertes que dans ces dernières années : l’une, qui contenait les membres des familles royales, sous la direction de M. Maspero en 1881 ; et l’autre, qui avait gardé les restes des prêtres d’Amon, sous celle de M. Grébaut en 1891.

La punition des coupables n’arrêta point le pillage des tombes ; les bouleversemens politiques dont l’Égypte devint bientôt après le théâtre facilitèrent au contraire les profanations clandestines. On ne s’occupait plus de rechercher les profanateurs parce qu’on avait autre chose de plus pressé à faire ; et les associations de ces malfaiteurs pullulèrent. Puis, quand l’Égypte eut été conquise par les Grecs, et après eux par les Romains ; quand les voyageurs commencèrent d’affluer dans la vallée du Nil, ravis, tout comme nous le sommes, de pouvoir remporter de leur voyage quelque bibelot qu’ils montreraient à leurs amis ou qui serait pour eux-mêmes un souvenir des choses vues, le commerce des antiquités se fonda peu à peu, et comme pour s’en procurer il n’y avait guère qu’un moyen possible, piller les tombeaux, le pillage devint dès lors une opération parfaitement régulière dont on ne se cacha plus jusqu’au moment où, dix-neuf siècles plus tard, Mariette fit interdire les fouilles particulières en Égypte. Il redevint alors clandestin comme jadis.

Pendant la période chrétienne, à ce pillage organisé vint s’ajouter la recherche des trésors entreprise sur une grande échelle. Cette recherche des trésors est une maladie endémique en Égypte : il n’y a peut-être pas un fellah sur cent qui ne s’y soit livré. Les exemples fameux de ceux qui ont réussi dans leurs recherches sont colportés avec passion : pour deux ou trois qui réussissent, il y en a des milliers qui échouent, mais les insuccès ne comptent pas et l’on continue d’espérer une heureuse chance. Cette maladie existe toujours. Au Ve siècle, les moines accusaient les prêtres païens de s’emparer des petits enfans, de les offrir en holocauste à leurs faux dieux, et de se servir des cendres provenant de la combustion des entrailles pour découvrir les trésors. Au VIIe siècle on lisait avec avidité l’histoire d’un