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AUGUSTE COMTE

II.[1]
SA MORALE ET SA RELIGION

Le but c’est de constituer une morale, ou, plus généralement, une science de l’homme, qui n’ait pas besoin de métaphysique. Car remarquez qu’il y a entre les sciences de l’homme et les sciences de la nature comme un grand trou, un hiatus énorme, par-dessus lequel il faut faire un saut, ce qui est étrange, la nature n’en faisant pas, la nature présentant partout une remarquable continuité. Les sciences de la nature, quelque mêlées qu’elles aient été d’élémens métaphysiques, en sont assez facilement nettoyables. Les idées métaphysiques qui y ont été introduites ne sont guère que choses verbales, manières de dire, espèces d’allégories que l’on peut assez aisément dissiper, comme fantômes. Mais dans les sciences de l’homme la métaphysique règne en maîtresse et la théologie y a son dernier refuge. Ici ce n’est pas la guerre à des mots dangereux qu’il faut faire ; mais à des idées profondément enracinées. Abandonner toutes les sciences naturelles à la philosophie positive, réserver les sciences de l’homme à une philosophie métaphysico-théologique paraît être la tendance

  1. Voyez la Revue du 15 juillet.