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luttes de leurs aïeux putatifs, qui sont les dieux. Marathon fait pendant à la Gigantomachie, et la Centauromachie au combat des Amazones. En faisant le tour du monument d’Attale, sur l’Acropole, on passait insensiblement de l’histoire des anciens à leur légende, et ainsi on faisait le tour de leur pensée. Ces batailles, l’Art les a non seulement figurées en raccourci, par des statues, comme le Phrygien ou le Perse combattant du Vatican, les barbares luttans ou vaincus de Venise, de Naples, du Louvre, du Capitole, de la collection Torlonia, l’Amazone foulant les guerriers du casino Borghèse : il les a déroulées indéfiniment, toujours pareilles et toujours nouvelles, — chevaux cabrés, hoplites surgissant, barbares aux longs cheveux, renversés à terre, — soit resserrées deux à deux dans des métopes, coupées par les triglyphes aux trois gouttelettes, soit cavalcadant librement sur l’architrave et tournant à chaque angle de l’édifice pour continuer au couchant la lutte commencée au midi. Il les a hissées sur les arcs de triomphe, enroulées autour des colonnes élevées à la gloire des vainqueurs, et l’œil du vieux soldat voyait avec surprise cette prodigieuse ascension d’une armée vers le ciel bleu, ou reconnaissait avec fierté la cohorte à laquelle il avait appartenu. Il les revoyait aussi sur les vases, les amphores, retracées à l’infini, sous ses pieds en des mosaïques reproduisant les tableaux célèbres, jusque dans les coupes où était figuré le massacre des vaincus. Et lorsque le vieux guerrier ne pouvait plus lever les yeux vers les frises des temples ou vers les colonnes, lorsqu’il allait au-delà des murs, dormir son dernier sommeil, la bataille recommençait autour de lui, et, sculptés sur son sarcophage, les chevaux cabrés, les bras tendant les javelots, les porteurs d’enseignes, les barbares, entouraient de leur lutte furieuse ce corps qui ne craignait désormais plus rien de leurs coups. — Les métopes du Parthénon, comme les frises de la Victoire Aptère, du Thésée, du Jupiter d’Olympie, des temples de Phigalie, de Pergame et de Gjölbaschi, comme les bas-reliefs de l’arc d’Orange, des colonnes Trajane et Antonine, et des sarcophages répandus partout, à Brescia, à Sidon, au Campo Santo de Pise, pour ne citer que quelques-uns des plus fameux, nous montrent que les artistes grecs ou gréco-romains ont fait des luttes sanglantes qui avaient bouleversé leur patrie, un accompagnement et un ornement pour les vivans et pour les morts.

La composition de ces batailles est toujours la même quant aux grandes lignes. Placés de profil, les personnages combattent deux à deux. C’est le seul thème adopté dans les métopes du Parthénon et dans la frise de Phigalie et le plus ordinairement suivi dans les bas-reliefs de la Victoire Aptère, de Gjölbaschi, du sarcophage de