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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 130.djvu/644

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Un tailleur de Stuttgart, nommé Sindelfinger, qui était bon tireur d’arbalète, avait gagné le premier prix dans un concours de tir ouvert par la ville de Cologne, prix qui consistait en une somme de 300 florins. Sous de mauvais prétextes, on ne le paya pas. Sindelfinger, aussitôt, renonce à son pacifique métier de tailleur pour entrer dans les gardes du corps du duc de Wurtemberg, dont il comptait obtenir la protection pour recouvrer ses 300 florins. Le duc, en effet, s’efforce d’intervenir en sa faveur. De puissans seigneurs s’intéressent à l’affaire, et adressent des réclamations au conseil et au bourgmestre de Cologne, qui ne nient point leur dette, mais qui persistent à ne la pas payer. Alors, les réclamans remettent leurs intérêts entre les mains de Gœtz, et l’affaire se corse aussitôt. Gœtz envoie au conseil de Cologne une lettre de défi (qui se trouve encore dans les archives de la ville), et ouvre les hostilités en s’emparant de deux marchands colonais, qui d’ailleurs jouent au plus fin avec lui et réussissent à l’attirer dans de nouvelles difficultés avec l’évêque de Bamberg. Enfin après cinq années, l’affaire s’arrange grâce à l’intervention du comte de Königstein, el se règle enfin par le paiement à Gœtz et à Sindelfinger d’une somme de 1 000 florins d’or, soit, d’après des calculs d’équivalences, vingt-trois fois la valeur de la somme originairement contestée. Le comte de Königstein, en récompense de sa médiation, reçut aussi de la bonne ville des bijoux de grande valeur. — Est-ce que cette justice de chevaliers ne fait pas apprécier celle des procureurs ?

Mais la page la plus noire de la biographie de Goetz, c’est celle où son histoire se confond avec celle de la guerre des paysans de 1525. Ayant eu le tort d’accepter de faire cause commune avec des révoltés sanguinaires et d’être leur chef, il eut encore celui de les abandonner. Ses actes en cette occurrence sont les seuls qu’il s’efforce, dans son autobiographie, de justifier. Ils lui valurent d’être poursuivi par la ligue souabe (ligue des princes, prélats et villes impériales qui s’efforçaient de maintenir la paix intérieure en lieu et place de l’empereur, lequel avait trop d’autres soucis pour se livrer à cette difficile besogne et manquait d’ailleurs des moyens nécessaires). — Mis en jugement et condamné, il passa deux ans en prison. Grâce à de puissantes interventions, il fut relâché contre une caution de 25 000 florins, et sous promesse solennelle de ne plus quitter son château de Hornberg. Il y vécut une vieillesse pieuse ; pendant ses dernières années, il fréquenta assidûment le pasteur de son village, qui finit par s’établir auprès de lui, moyennant un traitement de 16 muids de blé et de 10 florins d’argent comptant. Il mourut en 1562 ; son