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de Teplitz, de Carlsbad et de Marienbad. Les Tchèques ont, de plus, la majorité. Ils sont 3 millions trois quarts en Bohème, contre 2 millions d’Allemands ; 1 million trois quarts en Moravie, contre 500 000 Allemands ; 140 000 en Silésie, contre 280 000 Allemands et 180 000 Polonais ; en tout 5 650 000 Tchèques contre 180 000 Polonais et 3 millions d’Allemands.

En revanche, ils sont isolés du reste des Slaves. Au Nord, au Sud et à l’Ouest, ils sont entourés par les Allemands. A l’Est, ils touchent aux Polonais, qui, pour des raisons politiques, tiennent dans le monde slave une place à part et ne leur prêtent aucun appui, et aux 2 millions de Slovaques de Hongrie, qui sont des Tchèques, mais tellement persécutés par les Magyars qu’ils ont trop à faire à se défendre pour songer à porter secours à d’autres. Les Tchèques ne peuvent compter que sur eux-mêmes.

C’est donc avec leurs propres forces qu’ils ont lutté et luttent encore pour obtenir l’usage de leur langue dans les administrations, dans les tribunaux, dans les assemblées politiques, dans les écoles. Non pas qu’ils entendent, — ils s’en sont toujours défendus, — imposer leur langue à ceux qui ne la parlent pas, comme font les Magyars en Hongrie. Ce qu’ils demandent, c’est l’égalité de traitement (rovnopravnost) et l’abolition définitive du système unitaire et allemand de Joseph II, que le gouvernement autrichien ne peut se décider à répudier tout à fait.

La loi constitutionnelle du 21 décembre 1867 a pourtant proclamé le principe de ce traitement égal, en décidant que les langues autres que l’allemand, dans tous les pays cisleithans, seraient usitées concurremment avec l’allemand dans l’école, dans les administrations et dans la vie publique (c’est-à-dire la préparation, la discussion et la publication des lois et ordonnances). La fameuse ordonnance sur les langues du ministère Taafîe, en 1880 (Sprachenverordnung), a consacré cette égalité dans les détails, en décidant que les fonctionnaires seraient tenus de répondre au public, oralement et par écrit, dans la langue de leur interlocuteur : que les publications officielles seraient faites dans les diverses langues usitées dans chaque pays ; que les dires des témoins seraient consignés dans leur langue ; que les inscriptions sur les registres publics seraient faites dans la langue des requérans ; et que les jugemens seraient rendus, en matière pénale. dans la langue de l’accusé, et en matière civile, dans celle de l’assignation. Malgré les efforts désespérés des Allemands pour empêcher l’effet de cette ordonnance et faire prévaloir le principe d’une langue allemande officielle, elle est demeurée en vigueur, au grand avantage des Tchèques dont les plus instruits savent