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leur ; l’invention de ces principes se relie, par une tradition ininterrompue, aux origines mêmes de la physique moderne.

Torricelli et Pascal ont établi que l’air pouvait exercer une pression ; Boyle, pour appuyer leur sentiment, entreprend des expériences dont les résultats fournissent à son disciple Richard Townley la loi de compressibilité de l’air : la force élastique de l’air est en raison inverse du volume que cet air occupe. En 1676, Mariotte établit cette loi par de nouvelles observations. Bacon disait déjà de l’expansibilité des corps en général, et de l’air en particulier : « Puisque c’est là une chose (et je ne sais s’il en est une autre qui l’égale) visiblement fondamentale et universelle, nous devons nous préparer à l’aborder ; car tant que nous ne l’aurons pas saisie, la philosophie sera entièrement décousue et comme dissoute. » Les découvertes de Boyle, de Townley, de Mariotte n’étaient pas de nature à diminuer l’importance que Bacon attribuait à ce problème.

Les cartésiens cherchèrent à le résoudre conformément à leurs principes.

Descartes s’était formé de Texpansibilité et de la compressibilité des corps une idée qui découlait logiquement de la manière dont il se représentait l’essence de la matière ; l’essence de la matière n’est autre chose que l’étendue en longueur, largeur et profondeur ; une même matière occupe donc toujours le même volume. Si un corps nous semble occuper un volume variable, tantôt plus grand, tantôt plus petit, c’est qu’en réalité, dans l’espace qui croît ou décroît, il y a deux corps : l’un, fixe en quantité, mais dont les parties séparées s’écartent ou se rapprochent les unes des autres ; c’est le corps que nous percevons, le corps auquel nous attribuons la raréfaction ou la condensation ; l’autre, que nous n’apercevons pas, se trouve en quantité variable dans les intervalles laissés libres par les parties du premier, plus abondant lorsque le premier semble dilaté, moins abondant lorsqu’il semble comprimé. La matière de l’éponge occupe un volume invariable, mais elle paraît se gonfler lorsque l’eau vient en remplir les pores, se contracter lorsque l’eau s’écoule.

Telle est l’idée fondamentale sur laquelle reposent toutes les théories émises par les cartésiens au sujet de l’élasticité de l’air.

Pour les uns, les molécules qui composent l’air sont percées de pores, de canaux contournés en spirale ; un fluide subtil coule comme un torrent dans ces pores, et la pression qu’il exerce sur leurs parois tend aies redresser ; pour les autres, au nombre desquels on doit citer Robert Boyle, les molécules de l’air sont des ressorts, des lames élastiques roulées en hélice qui cherchent à se distendre. Newton trouvait ces explications insuffisantes :