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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 130.djvu/869

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des hypothèses sur lesquelles elle repose, la théorie cinétique des gaz les décourage bientôt par son infécondité. Sans doute, appliquée à certains phénomènes de dissociation, elle conduit M. Naumann à la découverte d’une loi importante ; mais on ne tarde pas à reconnaître que cette loi se pouvait déduire des seules propriétés thermodynamiques des gaz parfaits, sans aucune hypothèse sur la nature des mouvemens qui animent leurs molécules ; dans ce même domaine de la mécanique chimique, certains faits fondamentaux, incontestables, fournissent d’irréfutables argumens contre les idées de Bernoulli et de Clausius à M. Hortsmannqui, d’abord, en avait été un chaud partisan. « On parvient, écrit-il en 1873, à des contradictions avec l’expérience, car on ne peut expliquer d’une manière satisfaisante ce fait maintes fois vérifié, que la masse des corps solides n’a pas d’influence sur le degré de dissociation. » Aussi, peu à peu, la confiance des physiciens abandonne-t-elle cette théorie vers laquelle, tout d’abord, elle s’était amoureusement portée.


V


Échec aux tentatives faites pour ramener les propositions de Sadi-Garnot et de Clausius aux principes de la dynamique ; échec aux essais d’explication cinétique des propriétés des corps gazeux ; en fallait-il davantage pour inspirer aux physiciens une extrême méfiance à l’égard des recherches qui se proposent de découvrir la nature du mouvement constituant la chaleur ? Si l’on ne voulait voir la ruine des hypothèses mécaniques entraîner dans leur chute l’édifice entier de la thermodynamique, il fallait à tout prix que celui-ci fût le moins possible fondé sur celles-là ; à la supposition que la chaleur est un mode du mouvement, il ne fallait plus demander qu’un minimum de renseignemens, il ne fallait plus emprunter que les principes strictement nécessaires. D’ailleurs, Clausius, toujours si logique et si prudent, avait donné l’exemple et tracé la marche à suivre ; ses idées sur la nature du mouvement calorifique dans les corps gazeux étaient antérieures, nous le savons par son propre aveu, à l’époque où il conçut son célèbre mémoire sur la force motrice de la chaleur ; cependant, en rédigeant ce mémoire, il se garda avec soin de toute allusion aux hypothèses par lesquelles s’expliquaient, selon lui, les propriétés des gaz ; il évita que le caractère douteux et aventureux de ces hypothèses ne s’imprimât à aucun degré sur les deux principes qu’il donnait pour base à la thermodynamique ; lorsque, plus tard, il réunit en une même collection les divers mémoires qu’il avait publiés touchant la théorie de la chaleur, il eut soin