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mouvement de hausse des prix et d’une plus grande activité commerciale. Aux États-Unis, la crise, si intense il y a quelques mois, a perdu de son acuité ; l’exode de l’or, symptôme extérieur du malaise économique, a cessé ; les affaires ont repris une animation de bon aloi ; les prix d’un grand nombre de denrées et de fabrications se sont élevés. Le travail dans les usines est plus actif qu’il n’avait été depuis longtemps ; les ouvriers ont déjà réclamé, dans un grand nombre d’industries, une augmentation de salaire que les employeurs se sont hâtés d’accorder[1].

Dans notre Europe occidentale, mêmes indices, dont on voudrait voir bientôt s’accentuer la signification : des plaintes moins vives et moins universelles sur le niveau non rémunérateur des prix ; une meilleure tenue des cours sur le sucre, la laine[2], et d’autres produits naturels ; l’amélioration du commerce extérieur en France, en Angleterre et en Allemagne, dans les derniers mois, en volume et même en valeur.

Ainsi ce relèvement des prix, que de toute part on sollicitait de la législation, et qu’elle paraissait décidément impuissante à réaliser, semble sur le point de s’opérer spontanément. Il est déjà marqué en ce qui concerne les céréales, et c’est là un point important, les crises passées ayant laissé après elles cet enseignement qu’une reprise de prospérité générale, pour être bien établie, saine, durable, doit commencer au bas de l’échelle économique, par l’amélioration des prix de l’agriculture. Les industriels et les commerçans attendront vainement le réveil des demandes,

  1. Les correspondances de ce pays annoncent que les perspectives d’activité ont développé une animation inaccoutumée dans les grandes villes industrielles, Philadelphie, Pittsburg, Cincinnati, Chicago, et dans les centres commerciaux, depuis New-York jusqu’à Kansas City. Les prix du fer et de l’acier ayant légèrement augmenté, cinquante mille ouvriers en Pennsylvanie ont demandé et obtenu des élévations de salaires. Les blés de printemps donnent de belles apparences dans la région de l’Iowa, du Minnesota, du Nebraska, des deux Dakota. La Compagnie de navigation du Pacifique septentrional (Takoma-Yokohama-Hongkong) a dû augmenter le nombre de ses paquebots. On signale la hausse du fret, et celle du prix des sacs à blé sur la côte du Pacifique, etc.
  2. Sur la hausse de la laine, le Statist du 3 courant cite le fait suivant. On sait que le plus grand marché des laines est à Londres où se font, à époque fixe, des ventes aux enchères de ce produit. Si l’on en croit notre confrère, les meilleures sortes de laine sont achetées par l’Angleterre et les États-Unis, le continent européen achète les qualités inférieures. Lorsque les dernières ventes ont eu lieu, il s’est produit d’abord une forte hausse sur les belles qualités, les cours des inférieures étant au contraire sans changement. Le continent, disait-on, s’abstenait, ne croyant pas à la durée de la hausse des prix, et convaincu que les cours reculeraient dès que les Américains auraient été pourvus. Il n’en alla pas ainsi. Les prix ne cessèrent de s’élever pendant la période des ventes ; Français et Allemands durent se décider, dans les derniers dix jours, à acheter, la hausse s’étant produite finalement sur les qualités inférieures, et aussi forte que sur les meilleures. Il est à peine besoin de faire remarquer combien cette situation du marché des laines est un fait économique heureux pour les pays producteurs comme l’Australie, la République Argentine, le. Cap, si éprouvés depuis trois années par l’avilissement des prix.