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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 130.djvu/918

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des produits sino-japonais, favorisée par la fermeture des hôtels de monnaie dans l’Inde à la frappe de l’argent. En effet, un change s’étant dès lors établi entre le taux officiel de la roupie indienne et la monnaie d’argent chinoise, japonaise et mexicaine, l’Inde se trouva à l’égard de ces pays à étalon d’argent dans la situation d’une nation à circulation monétaire au pair de l’or. Les articles principaux de sa production, filés de coton, opium, riz, etc., furent atteints sur son propre territoire par une baisse proportionnelle à la baisse du tael et du yen, par où les exportations indiennes vers les pays usant de ces monnaies se trouvèrent sérieusement entravées, et les importations de ces mêmes pays, au contraire, facilitées.

D’une manière générale la production annuelle de l’Angleterre en articles de coton a diminué de 102 millions de livres sterling en 1873 à 89 millions en 1893, et les importations anglaises de tissus en pièces et de filés dans l’Hindoustan, ont sensiblement diminué dans les cinq dernières années. Un ancien conseiller à la cour de Pondichéry, M. Barbé, dit, dans une étude sur la progression des industries asiatiques en 1891 : « En d’autres temps, on se fût délecté fort, parmi nous, à cet étrange spectacle de la gigantesque colonie anglaise en train de conquérir les marchés de sa métropole et de porter un coup droit aux travailleurs de Manchester. Aujourd’hui la race blanche tout entière est solidaire contre l’Asie, et je conseille fort à nos rieurs d’attendre quelques années avant de prendre parti. Somme toute, nous faisons en Indo-Chine ce que l’Angleterre a fait dans l’Inde ; seulement l’heure des résultats n’est pas encore arrivée. Quand elle aura sonné à Hanoï et à Canton, comme elle l’a déjà fait à Bombay et à Osaka, ce sera le vrai moment de parler, chez nous, de la question sociale. L’Asie en est seulement à ses premières menaces. »


V

Les progrès ont été plus rapides au Japon que dans l’Inde. On savait déjà que les Japonais devenaient un grand peuple industriel, alors qu’on ne soupçonnait pas qu’ils allaient se révéler comme puissance militaire et maritime de premier ordre. Ils avaient depuis longtemps étonné l’Europe par leur merveilleuse aptitude à comprendre et à s’assimiler toutes les manifestations de l’activité civilisatrice de l’ancien monde. Tous les rapports récens des consuls étrangers au Japon signalent les étapes successives du progrès industriel accompli ou en voie de réalisation. Actuellement plus de cinquante filatures de coton sont établies