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pour rendre le passage plus facile, je ne puis oublier que lorsque la Société des Grandes Auditions nous a offert, il y a quelques années, Israël en Égypte, un musicien français, M. Xavier Perreau, a fait une traduction de cette œuvre admirable où il a su garder aux paroles toute leur force d’expression, sans presque jamais être contraint de modifier la musique. Sa traduction est d’ailleurs, je crois, le modèle du genre. Combien je l’ai regrettée en entendant ces récitatifs de M. Chrysander ! Et combien j’ai regretté la noble musique de Hændel !

Je ne puis, en revanche, que louer sans réserve M. Chrysander pour la façon dont il a rempli la dernière partie, la plus importante peut-être, de sa tâche : celle qui consistait à retrancher, après avoir ajouté. Car il a admis dès le début, la nécessité absolue de pratiquer, dans les oratorios de Hændel, de larges coupures. Ces oratorios, en effet, étant avant tout des œuvres de circonstance, contiennent une foule de morceaux qui n’y figurent que pour répondre à telle ou telle condition fortuite. Il y a ainsi des airs qui sont dus à ce qu’un ténor voulait chanter le même nombre d’airs que la basse ; il y a des chœurs pris par Hændel à d’autres oratorios de lui-même ou de ses confrères, et introduits là pour permettre à la séance de durer aussi longtemps que les précédentes.

Et sous toutes ces parties en quelque sorte contingentes, les oratorios de Hændel sont de grands drames dans le genre des tragédies grecques, des drames où le chœur et le récit tiennent le rôle principal, mais où se déroule devant l’auditoire une action pathétique. Il s’agissait donc, désormais, de dégager le drame de ces accessoires inutiles, de resserrer la suite de ses péripéties, de le faire apparaître devant notre public moderne dans les meilleures conditions pour qu’il pût nous toucher. C’est ce qu’a essayé de faire M. Chrysander, et c’est en quoi il me semble avoir le plus complètement réussi. Abrégés comme il nous les a offerts, les deux oratorios que nous venons d’entendre sont vraiment des chefs-d’œuvre de puissance et de vérité dramatiques, Hercule surtout, si vivant et si passionné, sous l’inaltérable pureté de ses formes, que pour la première fois, en l’entendant, j’ai compris l’émotion tout ensemble contenue et profonde que devaient produire sur le public athénien les drames harmonieux de Sophocle. Encore ne faut-il point juger trop sévèrement le vieux Hændel, pour la faiblesse qu’il a eue d’alourdir par toute sorte d’airs et de duos superflus la forte unité dramatique de ses œuvres. Dans ces exécutions modèles mêmes de Mayence, M. Chrysander et le chef d’orchestre, M. Volbach, l’organisateur de ces fêtes, ont dû sacrifier une ou deux fois aux exigences des chanteurs : il y a tel air de Hyllus que j’imagine qu’ils auraient volontiers coupé, sans le désir que manifestait le ténor de chanter encore cet air-là ; et maint autre passage que j’ai entendu chanter ne figurait pas à l’origine dans le libretto abrégé de M. Chrysander. Mais ni ces additions, ni la reprise de certains airs, que le public a voulu réentendre, ni un de ces longs