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TRIOMPHE DE LA MORT


TROISIÈME PARTIE[1]

L’ERMITAGE



I

Hippolyte disait dans sa lettre du 10 mai : « Je dispose enfin d’une heure libre pour l’écrire longuement. Voici dix jours que mon beau-frère traîne sa douleur d’hôtel en hôtel autour du lac ; et nous le suivons toutes deux comme des âmes en peine. Tu n’imaginerais jamais la mélancolie de ce pèlerinage. Moi, je suis à bout de forces et j’attends la première occasion opportune pour prendre congé. As-tu déjà découvert l’ermitage ? «  Elle disait encore : « Tes lettres augmentent indiciblement mes tortures. Ton mal, je le connais bien, et je devine que les mots te manquent pour exprimer ta souffrance. Je donnerais la moitié de mon sang pour réussir à te convaincre une bonne fois que je suis tienne, absolument tienne, pour toujours, jusqu’à la mort. Je pense à toi, à toi seul, sans interruption, à tous les instans de ma vie. Loin de toi, je ne puis goûter une minute de calme et de bien-être. Tout me dégoûte et m’irrite… Oh ! quand me sera-t-il donné d’être près de toi pendant les journées entières, de vivre de ta vie ! Tu verras, je ne serai plus la même femme. Je serai bonne, tendre, douce. J’aurai soin d’être toujours égale, toujours discrète. Je te dirai toutes mes pensées, et tu me diras

  1. Voyez la Revue du 1er  et du 15 juin.