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commissions de recensement. Plus encore : il entre de droit à la Diète, comme les magnats, dans la personne des Veliki zupani (préfets), ce qui ferme, on en conviendra, le cycle des ressources officielles contre une saute de vent électorale.

Ce n’est donc point par voie de suffrage que la réaction nationale peut triompher. La presse n’est pas soumise à un régime moins prévoyant. En principe elle est justiciable du jury : mais le jury peut être suspendu par mesure d’Etat, et le comte Hédervary a usé, deux années durant, de cette prérogative. Sa meilleure garantie contre l’amende et la prison est encore lu confiscation préalable. Une épreuve de chaque numéro est remise, avant, tirage, au procureur d’Etat, qui supprime ce qui lui déplaît, alinéa ou article. Le rédacteur laisse soigneusement en blanc la partie confisquée, ce qui donne à un organe de l’opposition l’aspect matériel du journal blessé dans la lutte. La censure ne badine pas. Il n’est point permis, par exemple, à l’Obzor, feuille patriote d’Agram, de demander en quoi le millénaire de l’établissement d’Arpad dans les plaines du Danube, que les Hongrois se préparent à célébrer, peut intéresser la Croatie. Le cas s’est présenté au mois de décembre 1893. Il valut à l’Obzor deux confiscations successives. À cette date — 13 décembre — le journaliste pouvait écrire : « Cela l’ail, un chiffre. Nous en avons déjà subi cinq cent soixante-treize ! »

La question financière, en Croatie, mériterait une étude à part. Elle est d’autant plus compliquée que le pays alimente un triple budget : celui des affaires communes avec tout l’Empire (guerre, relations extérieures, Bosnie et Herzégovine), — celui des affaires communes avec la Hongrie seulement, — celui enfin des affaires spéciales à la Croatie ; le tout suivant les distinctions établies par la Nagoda et une règle de proportions sujette à la révision décennale.

La convention de 1868 attribuait en principe à la Croatie le 45 pour 100 de ses revenus, le surplus représentant sa contribution aux charges communes quelconques. Seulement, sous couleur d’assistance fraternelle (c’est l’expression même de l’article 13), la Hongrie se substituait pour dix ans à ses engagemens vis-à-vis de la communauté, moyennant un forfait de 2200 000 florins, dont la Croatie se contentait pour couvrir ses dépenses propres. Le forfait, la première année, fut avantageux aux Croates ; lu suite en montra le piège, les Hongrois se libérant envers eux par une somme fixe et réalisant, d’année en année, par de nouvelles taxes, des bénéfices sur cette ferme des impôts. Ce fut un des griefs sur lesquels s’appuya la campagne de la révision. Le