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formant l’expédition de Madagascar a quitté notre rade hier. L’embarquement des troupes a eu lieu dimanche matin 14. Réunies d’abord sur la place d’armes, M. le Gouverneur, après avoir ordonné de leur faire former le carré, leur a adressé une courte harangue dans laquelle il leur a tracé les devoirs qui leur sont imposés et fait présager les récompenses que leur mériterait leur dévouement au service de Sa Majesté. Après le cri électrique de « Vive le Roi ! » elles se sont embarquées en vrais soldats français qui vont imposer le respect du pavillon sans tache en faisant entendre des cris d’allégresse. » Et le gouverneur, rendant compte au ministre du départ des troupes, lui écrivait : « Hier 15 à 10 heures du matin, la division, sous les ordres de M. le capitaine de vaisseau Gourbeyre, composée de la frégate Terpsichore, de la gabarre Infatigable et du transport Madagascar ayant à bord 230 hommes de troupes, a fait voile pour Sainte-Marie[1]. »

Portés par la brise du Sud-Est, les trois navires, balançant sur l’Océan la haute masse de leur majestueuse voilure, cinglèrent vers la côte de Madagascar, emportant à leur bord une parcelle de la patrie française dont ils allaient confier la féconde semence à des terres nouvelles. Le 2 juillet, ils mouillaient en rade à l’île Sainte-Marie, occupée par les Français depuis 1818 et située à proximité de la côte orientale de la grande île, à quelques kilomètres seulement (20 kilomètres environ) de la rade de Tintingue qui allait être le but principal et l’objectif de l’expédition.

Le commandant Gourbeyre résolut d’entamer sans plus tarder les négociations, qui, d’après les instructions reçues, devaient précéder toute action militaire. A ccl effet, dès le 7 juillet, il fit voile vers la côte malgache et le 9, à 3 heures et quart de l’après-midi, il mouillait en rade de Tamatave, le principal poste des Hovas sur la côte. Le fort hova, dominant la rade, et sur lequel flottait le pavillon de la reine Ranavalo qui venait de succéder à Radama, était armé de vingt et une pièces. La batterie de la frégate en salua le drapeau d’une salve de 19 coups de canon, salut qui fut aussitôt rendu coup pour coup, puis le commandant Gourbeyre descendit à terre et se mit immédiatement en rapport avec le gouverneur hova. Il lui exposa la mission dont l’avait chargé le gouvernement français, lui dit quelles propositions de paix il voulait faire porter à la reine, et lui demanda un sauf-conduit pour les officiers qui seraient chargés de monter jusqu’à Tananarive pour s’acquitter de ce message.

Au grand étonnement du commandant français, le gouverneur hova refusa de délivrer aucun sauf-conduit, alléguant qu’il n’avait

  1. Archives coloniales. Cartons Madagascar, 1825, dépêche du 16 juin.