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pas pour cela les pouvoirs nécessaires, et le commandant Gourbeyre, contraint de renoncer à l’ambassade projetée, dut se contenter d’écrire à la reine une longue lettre dans laquelle il n’hésitait pas, vu l’attitude hostile que commençaient à prendre ses agens, à lui notifier nettement nos prétentions, la priant, puisque nos officiers ne pouvaient arriver jusqu’à elle, d’envoyer à la côte deux des siens pour traiter avec les Français. « Dans le cas, ajoutait-il en finissant, où Votre Majesté refuserait d’entendre les agens français, je devrais considérer ce refus comme une hostilité. Je considérerai également comme un refus et j’interpréterai de même un silence qui se prolongerait au-delà de vingt jours. Alors, illustre princesse, je me verrais à regret contraint de faire la guerre au peuple hova pour faire reconnaître par la force des droits auxquels la France n’a jamais renoncé et ne renoncera jamais. »

Profitant ensuite du délai qu’il avait devant lui avant de recevoir la réponse de la reine, le commandant Gourbeyre résolut de réoccuper militairement Tinfingue et d’y commencer les travaux de l’établissement définitif qui était le but de l’expédition, lias-semblant sa division, il mit à la voile le 21 juillet à 5 heures du matin et le 28 il mouillait en rade de Sainte-Marie. De là il envoyait à Tintingue une commission chargée de reconnaître la rade et ses abords, et de donner son avis sur les meilleurs moyens d’établissement et la nature des fortifications à construire. Cette commission était composée des huit officiers suivans : MM. Letoumeur, capitaine de frégate, président ; Jourdain, capitaine de frégate ; Gailly, capitaine d’artillerie ; Schœll, capitaine d’artillerie de marine, gouverneur de Sainte-Marie ; Fénix, capitaine au 16e léger ; Busseuil, chirurgien-major de la division.

La rade de Tintingue, que cette commission allait avoir à visiter et sur laquelle elle devait donner son avis, est à peu près circulaire, et son diamètre est de 4 à 5 kilomètres. Elle est, vers le nord et l’ouest, entourée par un vaste cirque d’assez hautes montagnes, tandis qu’à l’est, une longue pointe de terre s’avançant au loin dans la mer semble vouloir rejoindre la côte opposée et ne laisse libre qu’une passe assez étroite. C’est cette disposition, favorable à une facile défense, qui depuis longtemps avait attiré l’attention sur ce point, et déterminé son choix. L’apparence du pays était elle-même assez séduisante, et voici la description qu’en donne un des officiers de l’expédition : « L’aspect de Tintingue nous parut très gracieux, et nous ne pûmes surtout nous lasser d’admirer la vigueur de la végétation et la beauté d’une verdure toute dans sa fraîcheur. D’immenses forêts s’étendent depuis le bord de la mer jusque sur la cime des montagnes