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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 131.djvu/331

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livres le petit bouquet qui vient de sa Mlle, lorsqu’il s’écriait d’une voix tonnante : « Ces violettes ne sont pas à vendre ! » on applaudissait beaucoup et, si les femmes, aujourd’hui, ne plaçaient leur mouchoir de poche en un lieu inaccessible, on aurait pleuré. Moi-même j’ai été presque entraîné : à peine dans la nie, je me le suis reproché. J’admets que, dans les âmes de boue, il reste des coins où l’on puisse « jardiner » et où poussent assez bien les petites (leurs pâles du sentiment, mais j’ai bien de la peine à croire qu’un panamiste aux abois sacrifie à ces fleurs-là la poignée de billets de banque qui lui permet Irait de lutter vingt-quatre heures de plus et peut-être — qui sait ? — d’éviter la banqueroute ou le suicide. Ici apparaît le côté chimérique de Sydney Grundy. Tout à l’heure, en deçà de la vie, dans le domaine de la caricature ; maintenant au-delà, dans celui de la fantaisie romanesque. C’est un parodiste et un rêveur qui n’a pu encore prendre pied dans l’entre-deux.

Peu d’écrivains ont l’invention de détail aussi charmante et aussi riche, mais il n’est pas l’homme des sujets nouveaux. Sowing the Wind (septembre 1892), la mieux faite de ses pièces, roule sur le thème que voici : Un tuteur refuse de consentir au mariage de son pupille, avec une jeune inconnue, jusqu’au moment où il découvre que cette inconnue est sa propre fille qu’il a cru longtemps perdue. Comment déterminer l’âge d’un tel sujet ? « Je vous en donnerai la date, s’écrie M. Archer, si vous me dites quand la famille humaine a commencé ! » Comme le planteur de choux de Musset, Ménandre devait « imiter quelqu’un » lorsqu’il s’en empara.

« Ce qui me frappe dans les nouvelles choses, dit un des personnages de la New Woman (septembre 1894), c’est qu’elles sont effroyablement vieilles. » A la bonne heure, mais les critiques ne pourraient-ils tourner le mot contre la pièce elle-même ? Elle prétend s’attaquer à ce qu’il y a de plus moderne dans la vie anglaise, être le dernier cri en matière de satire sociale, et, si l’on regarde au drame qui en forme le fond, elle pourrait faire suite-à la Paméla de Richardson. La New Woman, ce fantôme obsédant dont tout le monde parle et que personne n’a vu, nous échappe encore une fois. Je vois bien des types épisodiques : une sorte de garçon manqué, une doctoresse impudente et solennelle, une « flirt » à demi fanée qui est bien plus occupée de pêcher un époux que de réformer la société. Je vois une femme mariée qui essaie de prendre le mari d’une autre en écrivant un livre avec lui. C’est l’éternelle chercheuse d’adultère que notre théâtre connaît trop, compliquée d’un peu de littérature.

Le véritable sujet de la pièce, c’est le coup de folie d’un