Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 131.djvu/397

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le Tibre. L’architecte Galasso Alghisi parle avec plus de précision d’un mur antique sur lequel San Gallo se serait appuyé pour élever son bâtiment. Ces allégations n’étaient pas erronées ; M. Le Blant, ancien directeur de l’école française de Rome, constata la présence de mosaïques romaines d’une réelle valeur artistique dans la partie nord-ouest des souterrains, et il en donna la description dans les Mélanges d’archéologie et d’histoire de l’année 1886. De nouvelles recherches ont eu lieu depuis lors. Grâce à l’obligeante entremise de M. le duc de San Martino, qui a bien voulu solliciter et qui a obtenu pour moi de l’auguste propriétaire l’autorisation de pratiquer des fouilles régulières dans le sous-sol du palais, une étude approfondie a été poursuivie, avec l’autorisation de l’administration italienne et sous la direction de M. Chédanne, le jeune architecte qui faisait naguère au Panthéon de Rome des découvertes si inattendues. Ces investigations ont eu pour premier résultat d’établir l’existence de nombreux restes antiques, disséminés dans toute la partie septentrionale des souterrains.

Ce n’est pas ici le lieu de discuter à quel genre d’édifice se rattachent ces substructions. Monument public ou privé, il devait avoir sa façade principale sur la via recta. Les travaux de l’archéologie contemporaine démontrent que non loin de là une autre rue, coupant la via recta à angle droit, se dirigeait vers le fleuve en suivant à peu près le parcours de l’actuelle rue del Polverone pour aboutir au pont d’Agrippa, en admettant que les conjectures relatives à l’existence de ce pont soient justifiées. C’était un quartier riche en constructions républicaines et impériales. À droite du Campus Floræ se développaient les Opera Pompei avec le théâtre du célèbre triumvir. À gauche, sur le terrain où la Cancelleria appuie ses élégans portiques, se trouvaient la bibliothèque et les archives de Damase, ainsi que les écuries des quatre factions du cirque. Enfin, plus près du Tibre, un cippe récemment découvert près de l’église de Santa-Lucia délia Chiavica sert à désigner l’emplacement du Pomerium Urbis de Claude.

Cependant dix siècles s’étaient écoulés depuis la chute de l’Empire, dix siècles pendant lesquels Home avait subi les pires outrages. Mais il est dans la destinée de cette ville de l’emporter toujours sur les autres par quelque côté. Quand, au sortir du grand schisme, Martin V vint y fixer de nouveau le siège de l’Église, c’est à peine si elle comptait trente mille habitans. Le Forum avait disparu sous l’herbe ; des vignes couvraient le flanc des Sept Collines ; seul le Champ de Mars était habité. Les rues étroites et sales, plongées dans les ténèbres dès le coucher du soleil, les places irrégulières, les maisons basses, grossièrement