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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 131.djvu/437

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douars, tels étaient donc les propriétaires en face desquels se trouvaient nécessairement les spéculateurs, c’est-à-dire autant de propriétaires qui ne peuvent aliéner, sans l’intervention de formalités administratives, longues et compliquées. La spéculation se trouvait ainsi arrêtée à sa source même.

Aussi bien, la seule voie à suivre paraissait indiquée. Il s’agissait d’obtenir des concessions analogues à celle qu’on avait accordée déjà. Les demandes affluèrent, soit à la commune mixte de Morsott, soit à la préfecture de Constantine. Mais, en présence des compétitions et des luttes qu’entraînait cette concurrence, la question ne pouvait rester une question purement locale. Le gouverneur général de l’Algérie en fut saisi. Comme on a pu le dire très justement, dans une discussion récente, celui-ci sut, en la circonstance, se montrer le digne représentant de la France et de l’administration française en Algérie. Comprenant de suite toute l’importance de la question, son premier soin fut d’interdire aux autorités locales de statuer désormais sur les demandes de concession qui leur seraient soumises. Il avait, sans doute, de bonnes raisons pour craindre que ces autorités n’apportassent point, à l’examen des demandes dont elles étaient saisies, toute l’impartialité et toute la compétence désirables. Il se préoccupait également de ne point laisser compromettre, par des décisions hâtives ou insuffisamment préparées, des richesses dont la bonne exploitation pouvait, au plus haut degré, intéresser les finances de l’État et la prospérité de la colonie, et il entendait, avant tout, étudier les moyens les plus propres à en tirer parti.

Si rapidement qu’elles eussent été dessaisies, les autorités locales avaient pu cependant accorder deux concessions nouvelles. L’une de ces concessions devait, comme la précédente, passer immédiatement entre les mains d’une société anglaise ; la dernière seule est restée aux mains d’une société française : la Société française des Phosphates de Tébessa.

Si j’insiste sur la nationalité des sociétés appelées à bénéficier des trois concessions accordées, c’est que, pendant longtemps, on paraît avoir considéré l’intervention des capitaux anglais, dans l’exploitation des gisemens de Tébessa, comme un véritable crime de lèse patrie. C’était le thème favori des critiques qu’en Algérie, comme en France, on dirigeait contre l’administration algérienne, et je m’étonnerais, du reste, qu’on renonce à s’en servir encore.