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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 131.djvu/486

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l’Église catholique, » notamment à « l’Incarnation du fils coéternel au père. » Plus tard, avec l’approbation de l’Index, le Père Perrone marque les corrections nécessaires à ce livre-du Vrai, du Beau et du Bien, qui nous paraît aujourd’hui si inoffensif : — Ne pas placer Spinoza « parmi les grands philosophes », ne pas donner « tant de valeur à la théorie de Kant ; »on ne peut tolérer les éloges donnés à des hommes pervers, « Calvin et autres, » ni les « éloges excessifs à Port-Royal, » ni les phrases sur « la révocation de l’Édit de Nantes » et sur « l’immortelle Déclaration des droits. » Enfin la querelle finit par revenir au point même où elle était du temps de Pascal, et rien n’est plus instructif que la critique minutieuse du Père Perrone : — « Page 386, il est dit qu’un malheureux qui souffre, qui va mourir peut-être, n’a pas le moindre droit sur la moindre partie de votre fortune, qu’il commettrait une faute s’il usait de violence pour vous arracher une obole. Certes la violence n’est pas permise ; mais l’enseignement commun des théologiens est qu’en cas de nécessité extrême, prendre à autrui n’est pas une faute, qu’il n’y a pas de vol. C’est à modifier. » Victor Cousin ne modifia pas : il y eut rupture.

M. Barthélémy Saint-Hilaire blâme vivement son ami d’avoir tenté l’impossible. « La philosophie, ajoute-t-il avec raison, se reconnaît un devoir supérieur à tout autre : c’est de conserver son absolue liberté. » Mais M. Barthélémy Saint-Hilaire, avec l’école dont le principal représentant fut Victor Cousin, considère toujours la philosophie comme une sorte d’effort individualiste par lequel un petit nombre d’intelligences d’élite s’élèvent, pour leur propre compte, au « grand jour » de la réflexion en laissant la masse dans le crépuscule des « symboles ». Nous nous demandons si cette conception de la philosophie est vraiment la plus haute ; à notre avis, elle n’est ni assez sociale, ni, par cela même, assez religieuse : ce n’est pas seulement « l’alliance », croyons-nous, mais l’unité de la philosophie et de la religion que la société à venir doit se proposer comme idéal.

Et c’est pourquoi les philosophes eux-mêmes peuvent se joindre aux croyans éclairés, comme Lacordaire, pour rejeter tout rationalisme concentré en soi et incapable de rayonner universellement. « Le dernier mot, disait Lacordaire à Cousin, c’est le mot de l’âme, celui qui achève la gloire, en s’introduisant dans la conscience. La dernière gloire est d’être aimé… Il faut donner son âme au genre humain ou désespérer d’avoir la sienne. »


ALFRED FOUILLEE.

Le Directeur-gérant, F. BRUNETIERE.