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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 131.djvu/560

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n’a ni livré ni gagné un seul combat. Si V. A. R. désire que j’aille avec elle en simple volontaire, je suis prêt à partir; mais je la prie de me dispenser du reste, » Le prince a paru être de mon avis, et il a fini par me dire que la question ne serait pas résolue dans cette campagne, et que probablement je serais appelé plus tard à terminer cette affaire.

Mais par les lettres que vous avez lues, et aussi d’après sa conversation, le prince m’avait fait croire que les ministres, en majorité, m’étaient opposés. Je m’en suis plaint à quelques députés qui occupent des fonctions près d’eux, et cela leur a été rapporté. Aussitôt ils ont saisi individuellement l’occasion de protester contre cette imputation, et comme leurs dires particuliers étaient tout à fait d’accord, j’ai dû rester convaincu de ce qui suit. A la première nouvelle des désastres, il fut décidé à l’unanimité du Conseil que je serais envoyé pour prendre le commandement des troupes; mais bientôt on réfléchit qu’ayant un caractère ferme et des idées arrêtées, je cadrerais mal avec le maréchal despote et entêté. Il fut alors question de rappeler le maréchal, mais le prince ayant plaidé sa cause avec la plus grande chaleur, ce ministère, qui prétendait mettre à néant l’influence de la cour, abandonna cette idée, et ce fut alors qu’on chercha à dégoûter le maréchal par des contrariétés, afin qu’il demandât lui-même son rappel, ce qu’il ne fera pas. Est-ce là de la force et de la dignité?... Ainsi le prince ne m’a dit que la deuxième partie de l’affaire, et s’est bien gardé d’avouer que seul il avait soutenu le maréchal Valée,..


Il fallut enfin se rendre à l’évidence : le 29 décembre 1840, Bugeaud était nommé gouverneur général, et quelques mois après tout avait changé de face ; Boghar, Thaza, Tagdent, Mascara tombent en son pouvoir, des razzias nombreuses, des combats partout heureux signalent la campagne de printemps. Bientôt il pénètre dans les montagnes de Sidi-Yahia, tandis que Lamoricière ravitaille Mascara, renverse la forteresse de Saïda, détruit le village de la Guetna, berceau de la famille d’Abd-el-Kader, En 1842, le général enveloppe dans un grand mouvement combiné les rebelles de l’Atlas entre Médéah et Milianah, obtient de nombreuses soumissions. En 1843, il jette les bases d’Orléansville et de Tenès, fond avec trois colonnes sur les pays soulevés, brûle la ville d’Haïnda, refoule son adversaire dans les monts Gouraïa; puis c’est la prise de la Smala par le duc d’Aumale, avec 4 000 prisonniers, 4 drapeaux, 1 canon, un immense butin. Pendant l’automne, Bugeaud, qui vient d’être nommé maréchal de France, envahit une troisième fois les montagnes de l’Ouarensénis, Changarnier et Lamoricière fondent de nouveaux établissemens militaires, le plus habile lieutenant de l’émir, Sidi-Embareck, perd la vie dans un sanglant engagement sur l’Oued-Malah, « Aujourd’hui, disaient avec orgueil nos soldats, notre père Bugeaud veut que nous ayons des jarrets de cerf, des ventres de fourmi et des cœurs de lion. » La lutte en effet devient une question de vitesse, et ce n’est plus une chasse au lion, mais