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Il y propose une machine destinée à élever l’eau à l’aide du feu, c’est-à-dire par l’action de la vapeur d’eau ; c’est précisément le problème résolu en principe par Salomon de Caus : la machine de Worcester semble dériver de l’appareil de ce dernier. Mais la description de la machine de Worcester, de l’aveu commun, est inintelligible : soit par l’effet d’une ambiguïté volontaire, destinée à cacher le secret de ses dispositions ; soit par suite de l’ignorance du marquis, la proposition étant due à un collaborateur du métier, dont l’aide lui aurait manqué ensuite pour fabriquer l’appareil. Aussi, les auteurs anglais les plus éclairés, tels que Robert Stuart, déclarent-ils aujourd’hui que « les droits du marquis au titre d’inventeur se réduisent aux éloges emphatiques qu’il fait lui-même de l’avantage et des propriétés miraculeuses de ses inventions. S’il est vrai qu’il ait fait quelque découverte et qu’il ait essayé de l’utiliser en faisant construire une machine, il est vrai aussi de dire qu’il ne reste pas plus de traces de la découverte que de la machine elle-même. L’opinion la plus probable est qu’il n’a fait ni l’une ni l’autre. »

C’est ainsi que nous arrivons jusqu’au temps de Papin, le premier qui ait exécuté des recherches méthodiques, dont le détail soit constaté par des documens datés et imprimés, sur l’application en vase clos de la vapeur d’eau à des machines industrielles. Son point de départ est intéressant à signaler. En effet, il ne chercha pas d’abord à appliquer le ressort de la vapeur elle-même, n’ayant pris que plus tard la question par ce côté. Aux débuts, ce que Papin tâche d’utiliser, c’est la force motrice due à l’action du vide, c’est-à-dire à la pression atmosphérique.

Ce nouveau point de vue était la conséquence des découvertes qui venaient d’être faites en physique par Torricelli, Pascal et Otto de Guericke. On a souvent raconté cette histoire; mais il est nécessaire de la résumer en deux mots, comme préambule. C’était une vieille doctrine que la nature ne souffre pas le vide. Héron d’Alexandrie, pour ne parler que des auteurs déjà cités dans cet article, n’admet pas l’existence d’un vide parfait, groupé de façon à former un espace aggloméré ; mais seulement celle d’un vide disséminé par interstices dans l’air, le feu, l’élément liquide, etc. On sait comment les fontainiers de Florence connaissaient par la pratique l’impossibilité d’élever par des pompes aspirantes l’eau au-dessus de 32 pieds. Galilée, interrogé par eux, s’en tira par une réponse vague et illusoire. Mais son élève, Torricelli, trouva la véritable explication, en montrant que dans un tube rempli de mercure et retourné dans une cuvette, ce métal ne s’élève qu’à 28 pouces : la hauteur des colonnes d’eau et de mercure ainsi soulevées est en raison même de la densité de ces liquides et elle