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naturel de la phrase parlée. D’un côté, hymnes, séquences ou proses; de l’autre, les psaumes, répons et antiennes, c’est-à-dire le « plain-chant » dans le sens strict du mot.


II

« En réalité, dit M. Gevaert le chant rythmé associé au jeu d’un instrument, et souvent accompagné de danse, continua d’être cultivé sans interruption par des musiciens de profession dans les pays d’Occident autrefois soumis à la domination romaine. Bien que vivant sur un fonds immuable, très restreint apparemment, de motifs poétiques et de thèmes musicaux, cet art séculier ne put demeurer stationnaire au milieu d’une société en voie de transformation constante. Tandis que le chant liturgique arrive dès la fin du VIIe siècle à son état définitif et s’y maintient pour toute la suite des âges, le chant mondain se modifie peu à peu, en même temps que la société occidentale, délaissant d’abord la langue littéraire avec sa métrique savante, pour le langage populaire et les vers accentués, plus tard abandonnant complètement le latin, devenu inintelligible aux masses, et adaptant aux idiomes romans et germaniques ce qui lui restait de rythmes antiques. A partir du Xe siècle, son action sur l’art ecclésiastique se manifeste par des inventions de grande portée. L’Organum d’Hucbald et de Guy d’Arezzo, cet embryon de la polyphonie moderne, est une imitation du grossier accompagnement qu’exécutaient sur leurs instrumens à cordes les chanteurs de l’époque carlovingienne. Les mélodies et les rythmes des séquences ou proses, comme les ariettes des drames liturgiques, proviennent de la même source. ».

Parmi les divers genres de morceaux dont se forma plus tard l’antiphonaire romain, aucun ne nous est connu par des documens littéraires aussi anciens que l’hymnodie strophique. Ce fut le grand défenseur de la foi catholique en Occident, l’évêque de Poitiers, saint Hilaire (367), qui composa les premiers chants de cette espèce. Trois de ses hymnes ont été retrouvées de nos jours : la première, en strophes alphabétiques (Ante secula), combat les doctrines ariennes; la seconde (Fefellit sacrum verbum) est mise dans la bouche d’une païenne réceminent convertie ; la dernière (Adæ cernis gloriam) porte la suscription in Satanam. Mais le véritable fondateur de l’hymnodie, et du chant de l’Église latine en général, fut saint Ambroise : « D’aucuns prétendent que j’ai fasciné le peuple par le charme mélodique de mes hymnes, écrit l’illustre évoque de Milan: assurément je ne m’en défendrai pas. Il y a là, je l’avoue, un charme de grande puissance. Quoi de plus entraînant que la confession de la Trinité renouvelée chaque jour par la bouche du peuple entier? » Deus creator omnium, Jam surgit hora